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LA CRISE DE 1926 DANS LE P.C. RUSSE ET L'INTERNATIONALE (III)
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La crise de 1926 dans le P.C. russe et l'internationale (III)
Une fois de plus, tournons-nous vers Lénine
La première crise interne du Parti russe:1923
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La crise de 1926 dans le P.C. russe et l'internationale (III)
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Dans le premier article de cette série (1) - que nous avons malheureusement dû, pour des raisons indépendantes de notre volonté, interrompre pendant plusieurs numéros - nous nous sommes référés à la lettre envoyée par Amadeo Bordiga à Karl Korsch le 28 octobre 1926, en réponse à son invitation à constituer un front international de la gauche communiste. En premier lieu, nous nous proposions de montrer les raisons - des raisons qui n'étaient pas accidentelles, mais fondées sur des déterminations matérielles - qui avaient rendu irréalisable cette tentative à l'égard des «Gauches» européennes (d'Europe centrale en particulier), et qui, tout en imposant une solidarité ouverte et sans réserves avec l'Opposition russe pourchassée par le stalinisme, nous empêchaient cependant d'approuver ses thèses en bloc. C'est là un problème qui n'a rien d'académique, tant il est vrai que cet ensemble de facteurs négatifs pèse encore de façon écrasante sur le mouvement ouvrier de tous les pays.

Dès le début cependant, il était apparu clairement qu'il était indispensable d'élargir la question si l'on voulait éviter de la traiter d'une façon superficielle et limitée à la situation contingente de l'époque. Il nous fallait remonter (ou tenter de le faire) aux raisons objectives et aux manifestations subjectives du débat dans le Parti russe (si on peut appeler ainsi ce qui fut en réalité un affrontement entre forces sociales) au cours de cette «fatidique» année 1926, ainsi qu'au cours des aunées précédentes. Pour cela, le problème devait être relié à l'orientation fondamentale donnée par Lénine dans les questions extrêmement complexes de la NEP, considérée non comme un fait isolé, mais comme un maillon nécessaire, sous une forme ou sous une autre, du cycle historique des révolutions doubles, c'est-à-dire des révolutions bourgeoises «transcroissant» en révolutions prolétariennes, ou encore des révolutions politiquement prolétariennes, mais ayant à accomplir des tâches économiques, et en partie politiques, bourgeoises.

Nous ne prétendons pas que la lettre à Korsch et les interventions de notre courant, entre autres au VIème Exécutif Elargi de l'Internationale Communiste en février-mars 1926 (2) aient fourni dès cette époque une réponse organique complète à la dramatique question: où va la Russie? - ni à cette autre question, bien plus vaste même si elle était, dans l'immédiat, moins dramatique: où va le mouvement communiste international? Nous disons même franchement qu'elles ne la fournissent pas, mieux, qu'elles n'auraient pas pu la fournir même si elles avaient prétendu le faire, pour la raison évidente et tout à fait matérialiste que le processus était encore loin d'avoir développé toutes ses potentialités, que ce soit en direction d'une chute dans la contre-révolution ouverte au terme d'une involution longue et mouvementée, ou à l'opposé en direction d'une difficile remontée du fond de l'abîme. C'est Bordiga lui-même qui pose la question en 1926, en laissant à l'histoire, non en tant qu'entité abstraite mais en tant qu'«histoire des luttes de classe» (et donc également des luttes de parti), la tâche de fournir sa solution, et en refusant de considérer que tout était joué - ce que faisaient pratiquement tous les communistes «occidentaux». Ce que les textes que nous avons reproduits et en partie commentés offrent par contre dès cette époque, de même que d'autres textes que nous pourrions également republier plus tard, c'est une clé pour résoudre l'«énigme». C'est de là qu'il faut partir pour comprendre pourquoi, au-delà de la situation de 1926, nos divergences avec l'Opposition russe - à plus forte raison avec la Gauche occidentale et «allemande» - n'étaient pas destinées à s'atténuer avec le temps; elles devaient au contraire s'aggraver, jusqu'à finir par englober les problèmes d'orientation politique et économique du Parti et de l'État en Russie (sur lesquels en 1926 un accord de fond semblait atteint), et donc finalement l'appréciation globale du cours historique qui s'était ouvert sous le signe maudit du «socialisme dans un seul pays».

Quelle était donc cette clé que, comme nous essaierons de le montrer, Trotsky perdit et retrouva tour à tour à travers les hauts et les bas d'une lutte courageuse, jalonnée de brusques sursauts entrecoupés de silences? Elle résidait dans le conseil donné à Korsch d'examiner la question en militant et non en savant impassible, de regarder au-delà du problème de science économique, si l'on veut (ou pire, si la question est mal posée, de statistique économique), pour concentrer son attention sur une question qui était en fait éminemment politique. Il ne s'agissait pas tant de se demander quel était le degré d'«expansion du capitalisme» en Russie ou, en renversant les termes, dans quelle mesure l'«aire socialiste», identifiée à la gestion par l'État de l'industrie et, très partiellement, de l'agriculture, était en train de se rétrécir ou de s'élargir par rapport à l'aire capitaliste identifiée à la gestion privée. Le problème majeur à examiner était au contraire celui des rapports entre les classes existantes, des formes successives prises par leur lutte en fonction de leurs intérêts antagoniques, et enfin des répercussions de ces luttes sur le Parti qui exerçait la dictature. Celui-ci constitue en fait le dernier maillon auquel on aboutit lorsqu'on remonte la chaîne des effets des déterminations matérielles sur l'ensemble de la société; mais il est le premier maillon que l'on doit saisir si l'on veut comprendre à fond les situations critiques et (c'est pour nous inséparable de tout «diagnostic» objectif, précisément parce que nous ne sommes pas de simples spectateurs des phénomènes) si l'on veut au moins s'efforcer de les surmonter, fût-ce à travers un long et douloureux «chemin de Golgotha» (comme disait Rosa Luxembourg), comme l'est précisément celui du mouvement communiste et prolétarien mondial dans son effort pour échapper à l'étreinte mortelle de la contre-révolution.

Contrairement, il est nécessaire de le rappeler, à cette fausse «gauche» occidentale qui déduisait de la froide analyse économique de la Russie de 1926 que la révolution d'Octobre avait été, sans doute, une révolution, mais une révolution bourgeoise seulement, Bordiga écrivait dans sa lettre à Korsch:
«
La révolution de 1917 a été une révolution prolétarienne, bien que ce soit une erreur de généraliser ses leçons «tactiques»»; et: «On ne peut pas dire tout simplement que la Russie est un pays où le capitalisme est en expansion. La chose est beaucoup plus complexe: il s'agit de nouvelles formes de la lutte de classe qui n'ont pas de précédents dans l'histoire». Vue sous cet angle, «la question qui se pose est de savoir ce qui arrive à une dictature prolétarienne dans un pays si la révolution ne suit pas dans les autres pays. Il peut y avoir une contre-révolution; il peut y avoir une intervention extérieure; il peut y avoir un processus de dégénérescence dont il s'agit de découvrir et de définir les symptômes et les répercussions dans le parti communiste» - cette troisième éventualité pouvant évidemment, à la longue, rejoindre la première ou coïncider avec elle. En 1923-1924, devant ces symptômes et ces répercussions, Trotsky avait déjà indiqué, dans l'une des pages les plus élevées de «Cours nouveau», par quelles «voies politiques», compte tenu du retard de l'expansion des forces productives indispensable au dépassement de l'arriération économique de la Russie, ainsi que du retard de la révolution en Occident, pourrait
«
venir la victoire de la contre-révolution». Réagissant vigoureusement aux orgies d'«optimisme officiel», il avait écrit: «Il pourrait y en avoir plusieurs: le renversement du parti ouvrier, sa dégénérescence progressive, enfin une dégénérescence partielle accompagnée de scissions et de bouleversements contre-révolutionnaires» (3).

Mises à part les divergences possibles et, comme nous le verrons, effectives, sur la nature des formes sous lesquelles se réalisait en Russie la construction des bases économiques du socialisme, il était évident pour Trotsky comme pour Bordiga que le nœud de la question résidait dans la dynamique des luttes de classe, et donc dans la dynamique du développement du Parti, dans sa vie interne, dans ses prises de position politiques, et dans sa composition elle-même. Il était clair pour tous deux que c'était de là qu'on devait partir pour indiquer les voies et les moyens d'une possible rectification du tir (dans le meilleur des cas), ou, dans le pire, d'un changement de cap. La question était donc politique, même si elle englobait aussi des problèmes et des mesures de «politique économique»; et le protagoniste essentiel en était, encore une fois, le Parti (à la tête, bien entendu, de la classe hégémonique). Elle était politique, parce que sous le régime de la NEP l'«expansion du capitalisme», qui inquiétait tellement les «communistes occidentaux», était attendue non seulement comme un fait objectif subi pour des raisons matérielles, mais comme un «maillon de transition» nécessaire, prévu et souhaité, vers ce saut «des deux pieds» dans le socialisme (selon la métaphore de Lénine) que seule la révolution prolétarienne et communiste en Occident pouvait permettre. Dans ces conditions, rien n'était encore joué: tout dépendait du Parti et de sa capacité, les leviers essentiels du pouvoir en main, à conserver le contrôle de cette expansion sans perdre ses caractéristiques propres, sans cesser finalement d'être lui-même, mais au contraire en accentuant ses traits d'organe dirigeant de la révolution à mesure que se rapprochait le moment décisif du «saut».

Pour la même raison, c'était la dynamique du Parti qui seule pouvait permettre d'apprécier le danger menaçant «la dictature du prolétariat dans un pays» en l'absence de la révolution dans les autres pays. Pour citer encore le même passage de Trotsky:
«
Si nous exposons crûment ces hypothèses, ce n'est pas évidemment parce que nous les considérons comme historiquement probables (leur probabilité au contraire est encore minime) [nous sommes en 1923 trois ans plus tard, il en ira tout autrement - NdR], mais parce que seule une telle façon de poser la question permet une orientation historique juste et, partant, l'adoption de toutes les mesures préventives possibles. Notre supériorité, à nous marxistes, est de distinguer et de saisir les nouvelles tendances et les nouveaux dangers même lorsqu'ils ne sont encore qu'à l'état embryonnaire» (4).
C'était seulement en mettant au centre des préoccupations la question de la dynamique interne du Parti que l'on pouvait répondre à la fois au problème soulevé par Bordiga à l'Exécutif Elargi de février-mars 1926: Où va la Russie? - et à la question qui en découlait logiquement: quel levier faire jouer pour redresser le cap, une fois qu'on a reconnu qu'il y avait une déviation, fût-elle seulement partielle?

Une fois de plus, tournons-nous vers Lénine
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Comme nous nous sommes efforcés de le montrer, «Mieux vaut moins mais mieux», «Comment réorganiser l'inspection ouvrière et paysanne», et la «Lettre au Congrès» du 24 décembre 1922 (5), ces textes de Lénine si pleins d'interrogations et qui furent (comme par hasard) si mal accueillis par l'optimisme officiel de la direction du Parti, n'avaient pas d'autre fil conducteur. C'était la perception aiguë de ces mêmes «symptômes» dans la vie interne du Parti qui imposait à Lénine de déclarer une guerre à mort aux manifestations de «chauvinisme de grande puissance» qui s'étaient fait jour dans la «question de l'autonomie», en particulier à propos de la Géorgie (6); c'était elle qui lui imposait de mettre au centre du XIIème congrès (auquel on sait qu'il ne put participer) cette question éminemment politique, dût-on sacrifier au besoin des questions économiques immédiates, même urgentes (comme celle du Gosplan, du monopole du commerce extérieur, etc., vues d'ailleurs elles aussi sous l'angle politique). Mais nous croyons avoir aussi montré, bien que sommairement, que ce fil conducteur passe sans solution de continuité à travers tous les écrits et les discours de Lénine depuis 1917, en particulier dans la période de la NEP, pour la bonne raison que c'était là ce que lui dictait depuis toujours la perspective marxiste invariante de la révolution double. Il est nécessaire de s'y arrêter encore un moment, en anticipant pour plus de clarté sur la suite de l'exposé.

Analysant les symptômes et les répercussions des nouvelles formes de la lutte de classe dans le Parti russe, la «Lettre à Korsch» disait:
«
Il s'agit de montrer que toute la conception qu'ont les staliniens des rapports avec les classes moyennes constitue un renoncement au programme communiste».
Huit mois plus tôt, les «Thèses» présentées par la Gauche au IIIème Congrès du PC d'Italie (Lyon, fin janvier 1926) en avaient appelé à «
l'étroite collaboration et la contribution de tous les partis de l'Internationale» pour conjurer la menace dirigée contre la Russie soviétique par
«
les plans contre-révolutionnaires qui tablent sur des facteurs internes - paysans riches, nouvelle bourgeoisie et petite-bourgeoisie - et externes - puissances impérialistes - (...), que ces plans prennent la forme d'une agression intérieure et extérieure ou d'un sabotage et d'un infléchissement progressifs de la vie sociale et de l'État russes, qui les contraignent à une lente involution au terme de laquelle ils auraient perdu leurs caractères prolétariens» (7).

Pour en revenir à Trotsky, voici comment il formulait le problème dès 1924 dans «Cours nouveau»:
«
Les tendances contre-révolutionnaires peuvent trouver un appui (c'est nous qui soulignons - NdR) dans les koulaks, les intermédiaires, les revendeurs, les concessionnaires, en un mot dans des éléments beaucoup plus capables d'envelopper l'appareil étatique que le Parti lui-même» (8).
Trotsky reconnaissait donc dans la petite et moyenne bourgeoisie paysanne et urbaine et dans la bourgeoisie riche naissante le point d'appui, mais seulement d'appui (et non, par conséquent, la force agissante ni le protagoniste) du plan contre-révolutionnaire anti-bolchévik. Son point faible, qui devait l'empêcher de trouver une «orientation politique juste», et donc de mener son combat de façon cohérente et conséquente, fut son incapacité à en tirer la conclusion marxiste. Trotsky ne vit pas qu'en l'absence d'un développement de la révolution en Occident et d'une vigoureuse réaction clu Parti (et de l'Internationale Communiste) aux pressions matérielles qui s'exerçaient sur le pouvoir soviétique et sur son organe de direction, l'extension au-delà de certaines limites des concessions (pas seulement économiques) aux demi-classes devait à la longue ouvrir la voie au triomphe de la réaction capitaliste tout court, sans qu'il fût besoin de passer par cette reprivatisation des moyens de production et de la terre qu'il craignait tant. Il ne vit pas qu'à la faveur de l'infiltration progressive d'idéologies bourgeoises dans le Parti et de la pression croissante d'intérêts petits-bourgeois sur l'État, mûrissait - même si ce n'était pas à très brève échéance - l'ère nouvelle du grand capital national; la base n'en était pas la gestion familiale et privée des entreprises industrielles, commerciales et agricoles (ces dernières seront conservés, après le cataclysme de la dékoulakisation, comme piliers du statu quo social, sous la forme bâtarde mi-privée mi-coopérative du kolkhose), mais cette industrie lourde et cette planification économique dans lesquelles Trotsky crut toujours reconnaître le bastion d'un socialisme économique effectif. Enfin, il ne sut pas voir que l'explosion des manifestations d'une dégénérescence de plus en plus évidente dans le Parti, liée à l'ascension irrésistible et au chantage permanent de couches intermédiaires, annonçait non pas le règne d'une bureaucratie qui aurait été le fruit pervers de la dégénérescence de l'État puis du Parti, encore moins l'avènement d'un État de la «Russie paysanne» (ce qui ne lui passa jamais par la tête, mais d'autres y penseront pour lui), mais la domination de la contre-révolution grande bourgeoise que nous désignons conventionnellement du nom de stalinienne (dans la formule utilisée par Bordiga en 1926, ces développements sont encore implicites; avec les années, mais dans une étroite continuité avec des prises de position antérieures dont nous parlerons, ils constitueront l'un des traits qui nous distinguent du «trotskisme»).

Rien ne montre mieux, par contre, l'invariance de Lénine - qui n'est rien d'autre que la fidélité à l'invariance de la doctrine marxiste - que le fait qu'il ait prévu avec une extrême lucidité ce processus et son issue finale dès les débats du «congrès d'unification» de Stockholm en 1906. Plekhanov demandait alors quelles «garanties contre la restauration» offrait le programme agraire des bolchéviks en tant que partie indivisible du programme de la dictature démocratique des ouvriers et des paysans? Lénine avait répondu que si l'on demandait «une garantie absolue, c'est-à-dire (...) la suppression des conditions économiques susceptibles d'engendrer une restauration» - et une «restauration», qu'on y prenne bien garde, «sur la base du mode de production capitaliste, c'est-à-dire non pas une humoristique «restauration de la Russie moscovite», mais une restauration du type de la restauration française du début du XlXème siècle» - eh bien «la garantie totale contre une restauration en Russie (après la victoire de la révolution en Russie) résiderait exclusivement dans une révolution socialiste en Occident. Il n'y a pas et il ne peut pas y avoir d'autre garantie». Ou bien alors on veut parler «d'une garantie relative et provisoire, c'est-à-dire de la création de conditions politiques (c'est nous qui soulignons) qui, si elles ne suppriment pas la possibilité même d'une restauration, la rendent seulement (idem) moins probable, ne font que la rendre plus difficile»; dans ce cas il fallait considérer que le «fondement économique d'une restauration» (au sens précisé ci-dessus) consiste dans
«
la situation du petit producteur de marchandises dans toute société capitaliste. Le petit producteur hésite entre le capital et le travail. Avec la classe ouvrière, il lutte contre le servage et l'autocratie policière. Mais en même temps, il tend à consolider sa situation de propriétaire dans la société bourgeoise, et c'est pourquoi, si les conditions du développement de cette société deviennent tant soit peu favorables (par exemple, prospérité industrielle, extension du marché intérieur par suite de la révolution agraire, etc.) (précisément les conditions qui se réalisèrent peu à peu à travers la NEP et qui arrivèrent à maturité dans la période ultérieure - NdR), le petit producteur se tourne inévitablement contre le prolétaire qui, lui, lutte pour le socialisme».
Il s'ensuit que la révolution russe «
est capable de vaincre (voilà la garantie relative et provisoire, une garantie politique, celle de la future «soudure» entre classe ouvrière et paysannerie - NdR)) car le prolétariat avec la paysannerie révolutionnaire peut constituer une force invincible. Mais elle ne peut pas maintenir sa victoire (et donc empêcher une restauration à plus ou moins long terme, sur la base de rapports capitalistes du type de ceux existant en France au début du XIXème siècle; sous Napoléon, par conséquent, et non sous Robespierre! - NdR), car dans un pays où la petite exploitation connaît un développement considérable, les petits producteurs de marchandises (paysans y compris) se retourneront inévitablement contre le prolétariat, lorsque de la liberté, il voudra passer au Socialisme» (9). C'est pourquoi, sans une «réserve non russe» pour la révolution russe, sans l'«aide extérieure» du «prolétariat socialiste de l'Occident», la restauration politique «est inévitable, qu'il y ait municipalisation ou nationalisation ou partage (c'est nous qui soulignons), car le petit propriétaire, quelles que soient les formes de possession et de propriété, servira d'appui à la restauration» (10), puisque la municipalisation, de même que la nationalisation ou au contraire le partage, n'est que «l'une des formes de possession de la terre; mais n'est-il pas évident que les traits essentiels et fondamentaux d'une classe ne changent pas avec les formes de possession de la terre (ou de toute autre chose, évidemment!)?» (11).

On objectera qu'en 1906 Lénine avait en vue une révolution démocratique bourgeoise poussée jusqu'au bout et couronnée par l'instauration d'une république révolutionnaire démocratique, alors que la révolution prolétarienne d'octobre 1917 a donné naissance à une dictature prolétarienne et communiste. Cette objection ne tient pas: Octobre fut une gigantesque victoire politique, mais sa base matérielle demeure inchangée. La lutte pour assurer «une garantie relative contre la restauration» en balayant les entraves du passé féodal et autocratique et en réalisant une soudure politique, même temporaire, entre le prolétariat et la paysannerie, continuait et elle pouvait, dans ces conditions bien précises, être victorieuse. Mais un danger demeurait, enraciné dans des bases économiques que l'on ne pouvait pas ne pas développer, car elles étaient également les «bases du socialisme», c'était le danger d'une restauration politique sur la base du capitalisme avancé, de l'industrialisation la plus poussée et la plus étendue, si la révolution prolétarienne en Occident tardait à venir. De cette restauration grande-bourgeoise les demi-classes rurales et urbaines étaient les véhicules, les points d'appui, les remparts, mais non les protagonistes. Et rien n'empêchait, tout contribuait même, à ce que cette restauration s'appuie sur la nationalisation non seulement de la terre mais de la grande industrie et des moyens de production les plus modernes, comme cela se produira sous le règne de Staline, dans une Russie suant par tous les pores ce «chauvinisme de grande puissance» qui est inséparable de tout industrialisme capitaliste (12).

Ce n'était pas une «prophétie» que Lénine formulait en 1906, mais une prévision scientifique tirée du marxisme; elle jette une lumière éclatante sur l'extraordinaire capacité de Lénine à tenir toujours unis les différents fils, politiques et économiques, de ce que notre Parti appellera «le grand roman» de l'«ours» russe; ce ne sera que rarement le cas dans les débats au sein du PCR entre 1923 et 1927, et à plus forte raison au cours des années qui suivront. Avant d'aborder cette dernière question, nous devons souligner plus particulièrement deux points. Le premier se rattache à ce que nous nous sommes efforcés d'illustrer, en donnant la parole à Lénine lui-même, dans le paragraphe intitulé: «Qui vaincra?». On peut le résumer ainsi: si les discours que Lénine adresse au Parti et à la classe dans la période de la NEP (une période qu'on dépeindra trop souvent par la suite comme une ère de «paix civile») apparaissent comme des discours «de combat» au même titre que ceux des années précédentes, c'est que, fort d'une prévision scientifique qu'il n'a jamais oubliée ni trahie, Lénine ne perd jamais de vue que la guerre civile n'a pas, ne peut pas avoir cessé, même si elle prend maintenant d'autres formes. Elle a beau faire moins de bruit, elle devient d'autant plus dure, plus semée d'embûches, qu'elle se livre sur des fronts qui ne sont ni linéaires ni parallèles, mais qui s'entrecroisent et parfois divergent: l'adversaire est également - dans l'immédiat - un allié, l'allié est également - dans la perspective historique - un ennemi; dans la manœuvre tactique, on peut et souvent on doit lui céder du terrain, mais sur le plan stratégique aucune trêve n'est admise. Le parti de la classe ouvrière seule au pouvoir peut revendiquer le mérite d'avoir mené à son terme une révolution qui n'est pas la sienne:
«
Les menchéviks et Otto Bauer (...) peuvent crier: «chez eux, là-bas, c'est une révolution bourgeoise». Nous disons, nous, que notre tâche est de faire aboutir la révolution bourgeoise» (13).
Mais c'est une tâche subordonnée, même si elle la précède chronologiquement, à la tâche qui consiste à entreprendre et à mener à terme la révolution prolétarienne, une révolution qui ne sera plus la révolution d'une autre classe mais qui en sera au contraire la négation et le dépassement.

Sur ce chemin ardu, il n'y a pas de décision économique qui ne soit aussi une décision politique; il n'y a pas de succès ou d'échec qui ne doive être apprécié selon des critères de classe, car il n'y a pas de réalisation qui ne mette en branle des forces de classe dont on sait à l'avance qu'il faut, pour construire les bases du communisme, les favoriser mais aussi et à plus forte raison les contrôler «en les contenant à l'intérieur de certaines limites». Le 20 février 1922, Lénine écrit au commissaire du peuple à la justice, D.I. Kourski:
«
Nous ne reconnaissons rien de «privé», pour nous tout, dans le domaine de l'économie, est du droit public, et non privé (...). A partir de là, étendre le champ d'application de l'intervention de l'État dans les rapports du «droit privé» (...), appliquer aux «rapports juridiques civils» non pas le corpus juri romani, mais nos propres conceptions juridiques révolutionnaires» (14).
Sur un plan social général, qu'est-ce que la NEP sinon un combat de tous les jours contre l'irruption de forces matérielles revendiquant chacune son propre «droit» privé et ses propres intérêts et les reflétant dans des idéologies extra et donc anti-prolétariennes, des forces qu'il faut plier à la volonté du Parti de classe guidée par sa «conscience révolutionnaire»? De là vient l'inquiétude exprimée par Lénine (sans que ce soit jamais de la panique) pour le sort d'un État dont on avait forgé le gouvernail, mais dont on risquait à tout moment de perdre le contrôle au profit de ces «mains non communistes» auxquelles il fallait bien s'en remettre pour la construction des bases du communisme, mais sans accepter pour autant qu'elles en deviennent le cerveau. De là a fortiori l'inquiétude exprimée, non pour semer l'effroi mais pour susciter une volonté de lutte sans merci, pour le sort du Parti: celui-ci avait beau être sans aucun doute, comme le dira Trotsky, l'organe de la dictature le moins vulnérable à la pression incessante de forces extérieures, il n'en était pas séparé par des murailles infranchissables; il en était d'autant moins séparé qu'étant l'organe même du pouvoir, il était soumis à une osmose des hommes, des intérêts et des idéologies de classes non prolétariennes
(15). De là le ton insistant de combat - d'un combat politique mené au sein du Parti - qui marque tous les écrits et tous les discours de Lénine à partir de 1921, et en particulier les derniers.

La force du parti bolchévik du temps de Lénine fut de voir clairement (et de ne pas craindre de montrer) les voies ardues et contradictoires de ce processus, ses difficultés, ses embûches toujours renouvelées, ses contrecoups inévitables sur l'organe dirigeant de la révolution, le danger d'une «déprolétarisation» de celui-ci parallèlement à la déprolétarisation progressive de la «vie sociale et étatique de la Russie». La force de l'Opposition sera de se rattacher à cette tradition glorieuse; sa faiblesse, de le faire trop tard et de façon non seulement incomplète, mais épisodique et discontinue. Repoussant la suffisance professorale de ceux qui furent les spectateurs de cette tragédie et qui ne s'érigent aujourd'hui en juges sévères que parce que le sort les a placés au-dessus de la mêlée, nous devons comprendre que les forces qui usèrent, puis finirent par détruire le magnifique instrument qu'avait été le parti bolchévik, n'étaient autres que celles qui, au cours d'un processus tourmenté, avaient déjà tué le «magnifique instrument» qu'avait été Lénine: à savoir les «résistances qui s'opposent aux tâches révolutionnaires», les «miasmes pestilentiels» du «monstrueux cadavre» de la bourgeoisie qui se décompose «parmi nous» en empestant «l'air que nous respirons» (16).

Le deuxième point à souligner c'est que Lénine ne confond jamais, même quand il souligne leur liaison dialectique, l'aspect politique et l'aspect économique du cycle historique de la révolution en permanence, et donc également de la NEP. Cette distinction lui est imposée par la défense de la théorie, patrimoine suprême du parti, ainsi que par les exigences de sa mise en pratique, qui nécessite non seulement la clarté théorique, mais la franchise la plus absolue dans l'indication des objectifs poursuivis et de la voie à suivre pour les atteindre. Ce qui distingue le capitalisme d'État sous la dictature du prolétariat de son équivalent classique sous la dictature de la bourgeoisie, c'est un fait de nature politique: c'est la possibilité, entre autres grâce à la possession des moyens de production fondamentaux, non seulement de lui fixer des limites, mais de le mettre au service des intérêts et des objectifs de la classe au pouvoir, détachement avancé de la révolution mondiale (17). Mais ce qui empêche Lénine de l'appeler autrement que capitalisme, et donc de prétendre qu'il ait une nature différente de celle indiquée par ce vocable, est un fait économique: le changement de propriété des moyens de production ne signifie pas, en soi, le passage à un autre mode de production et à d'autres rapports de production. De la même manière, on ne peut parler d'«entreprises de type socialiste conséquent» qu'à condition de préciser le concept en ajoutant, comme le fait explicitement Lénine: quand «les moyens de production appartiennent à l'État; de même la terre où se trouve l'entreprise, et toute l'entreprise dans son ensemble» (18). Encore une fois, il s'agit d'une condition politique, même si elle se fonde sur une réalité économique; et c'est ce qui empêche Lénine d'employer les formules hardies mais dangereuses d'un Trotsky qui affirme au IVème Congrès de l'Internationale que les principales industries se trouvant «aux mains de l'État ouvrier, il n'y a pas là d'exploitation de classe et donc pas non plus de capitalisme, même si ses formes persistent encore», ou que, dans ces conditions, le système en vigueur en Russie est un socialisme qui se fraie son chemin en utilisant les «méthodes», mais les méthodes seulement, «de la comptabilité capitaliste» (19).

De même, quand Lénine esquisse son plan de développement des coopératives agricoles - et il s'agit, ne l'oublions pas, d'entreprises fondées sur une terre et des moyens de production qui «appartiennent à l'État, c'est-à-dire à la classe ouvrière» (20) –, quand il explique que «le pouvoir d'État sur tous les principaux moyens de production, le pouvoir d'État aux mains du prolétariat, l'alliance de ce prolétariat avec les millions de petits et tout petits paysans, la direction de la paysannerie assurée à ce prolétariat, etc.» représentent «tout ce qu'il faut pour construire à partir de la coopération, de la coopération à elle seule (...), une société socialiste intégrale» (21), il ne fait qu'énumérer une série de conditions politiques (22). Et ce n'est pas par hasard qu'il ajoute, en pensant aux conditions économiques: «Ce n'est pas encore (c'est nous qui soulignons) la construction de la société socialiste»! Ainsi, jusqu'à la fin, Lénine rappelle-t-il au Parti et à la classe révolutionnaire qu'ils ont un «pied», le «pied» politique, dans le socialisme, mais qu'ils ont encore l'autre «pied» (économique) dans le capitalisme, qu'ils construisent péniblement les «bases» du socialisme mais non le socialisme lui-même, et qu'ils doivent le savoir et déclarer explicitement ne faire que cela, c'est-à-dire tout ce qu'il est possible de faire dans les conditions objectives données.

Enfin, pas plus qu'il n'idéalise la NEP, Lénine ne construit une «théorie économique» de celle-ci il considère même avec une ironie teintée d'agacement la prétention d'un Boukharine, ou à l'opposé d'un Préobrajensky, d'en construire une. La NEP est un chapitre grandiose de politique économique, non d'économie politique. Elle ne tire pas ses ligues directrices des théorèmes d'un manuel d'«économie de la période de transition» à la Boukharine, ou d'une doctrine de la mise en œuvre du socialisme au moyen du marché, de la liberté de commerce et de ses mécanismes automatiques ou semi-automatiques de compensation des déséquilibres économiques et sociaux. Elle ne les tire pas non plus des impératifs d'une loi de «l'accumulation primitive socialiste» à la Préobrajensky, qui se répandrait en tâche d'huile à partir de l'industrie d'État, en gagnant peu à peu du terrain par rapport à une «loi de la valeur ou de l'échange entre équivalents» s'étendant elle aussi graduellement à partir de l'agriculture à gestion plus ou moins privée. Elle tire ses lignes directrices des exigences de la conservation, dans un pays à écrasante majorité paysanne, de la dictature prolétarienne, c'est-à-dire d'un «pouvoir qui n'est lié par aucune loi» en dehors des exigences de sa propre conservation; et «le grand principe de la dictature» est, certes, de soutenir «l'alliance du prolétariat et de la paysannerie», mais «afin que (le prolétariat) puisse garder son rôle dirigeant et le pouvoir d'État» (23): telle est l'unique véritable raison d'être de la Nouvelle Politique Economique.

«Cessez de ratiociner, de discuter de la NEP», avait averti Lénine en 1922 (24). Trop de ratiocinations encombreront, de part et d'autre, le débat de 1923-1924 et de 1926-1927 au sein du Parti russe. Instrument de la contre-révolution capitaliste, le stalinisme se servira tantôt des arguments de la droite contre la gauche, tantôt de ceux de la gauche contre la droite. Ce n'est pas à cause de ces arguments qu'il sortira vainqueur du conflit, mais c'est en les utilisant qu'il justifiera le renversement, puis l'extermination de toute la Vieille Garde, devenue un obstacle encombrant sur la voie de son avance implacable. À long terme, tout jouera en sa faveur, et ce sera la fin.

Ces considérations n'étaient pas, croyons-nous, inutiles pour introduire une analyse plus détaillée de la crise du parti russe entre 1923 et 1926 (l'année 1927 n'en étant que l'épilogue).

La première crise interne du Parti russe:1923
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De même que, devant les derniers textes de Staline ou le rapport Khrouchtchev, nous n'avons pas cherché la clé des divergences au sein du PCUS dans des facteurs personnels ou suprastructurels mais dans les «faits eux-mêmes qui se mettaient à dialoguer entre eux» dans le sous-sol de la société et de l'économie russes (25), de même la première crise interne du PCR (dont les protagonistes, est-il besoin de le préciser, avaient une tout autre envergure) doit-elle être reliée à sa base matérielle: la dislocation de la fragile trame économique et sociale soviétique entre les derniers mois de 1922 et la fin de 1923, qui montrait que les équilibres dynamiques (et donc extrêmement instables) sur lesquels reposait la NEP avaient atteint le point de rupture.

On sait que cette dislocation se manifestait extérieurement par un écart croissant entre les prix des produits agricoles et ceux des produits industriels, les seconds augmentant beaucoup plus rapidement que les premiers. Cette «crise des ciseaux» était elle-même l'expression du retard de la reprise de l'industrie par rapport à l'agriculture, et donc du dérèglement des mécanismes de compensation des déséquilibres économiques (en partie «automatiques», en partie coercitifs) sur lesquels on comptait pour arriver à une remise en ordre générale du système de production. En réalité, le problème était beaucoup plus vaste et plus profond: c'était l'économie de marché qui échappait au contrôle central de la dictature. C'étaient donc les fondements mêmes de la NEP qui vacillaient, ce qui avait des conséquences économiques et sociales immédiates beaucoup plus complexes qu'on aurait pu le croire au premier abord. Alors que le poids de cette situation anormale semblait retomber sur les paysans au sens large du terme et, de façon plus générale, sur les bénéficiaires de la liberté du commerce, c'était en fait la ville et donc la classe ouvrière qui subissait une fois de plus le «chantage de la campagne» et qui faisait les frais du rapport défectueux entre les deux grands secteurs de l'économie.

La paysannerie dans son ensemble - avec, évidemment, une différenciation selon les couches - profitait en effet de l'abondance des récoltes (qui en revanche n'arrivaient qu'en quantités insuffisantes sur les marchés des villes), ainsi que de la reprise de la petite industrie à base artisanale (ou semi-artisanale) et locale produisant des biens de consommation; ceux qui poussaient de hauts cris à cause du bas prix des céréales et du prix élevé des produits industriels étaient les paysans aisés, les seuls en réalité à avoir accès au marché de façon non marginale. Les ouvriers, par contre, souffraient à la fois de la pénurie de vivres, du prix élevé des produits manufacturés de l'industrie légère, de l'augmentation du chômage, d'un «pouvoir contractuel» en baisse et de salaires peu élevés, payés avec retard, fortement différenciés et de plus rongés par l'inflation. Cette crise des ciseaux, reflet des rythmes inégaux de la reprise productive dans l'agriculture et dans l'industrie, soulevait des problèmes réels d'ajustement dynamique entre les deux grandes branches de l'économie, et sur ce terrain chacun des deux groupes en voie de cristallisation au sein du parti avait en partie raison, précisément parce que la NEP reposait sur deux piliers distincts qui n'étaient pas liés par un équilibre automatique. Mais ce n'est qu'avec beaucoup de mal et de retard que l'on se rendit compte que les divergences dans le débat économique étaient le reflet de polarisations sociales et politiques qui ne trouvaient plus leur synthèse dans une conception globale de la NEP qui fût commune à tout le Parti.

Les liens dialectiques découlant de cette conception globale, que Lénine avait gardés solidement unis, avaient déjà commencé à se rompre au cours de la deuxième moitié de 1922. Liberté d'entreprise et contrôle central, marché et planification, commerce privé et commerce d'État, expansion de l'agriculture et renforcement de l'industrie, tels auraient dû être les termes d'un même processus dynamique dans lequel, tout en respectant les exigences de la première série de termes, l'accent devait porter sur la seconde (contrôle central, planification, commerce d'État, renforcement de l'industrie) sous peine de voir tout l'édifice s'effondrer. La rupture de ces liens dans les faits matériels tendait au contraire à se traduire par une rupture analogue dans les liens internes de l'orientation générale de la production, dans la conception globale et politique des problèmes de la NEP. Les deux dernières batailles que Lénine s'apprêtait à livrer, cloué sur un lit dont on espérait qu'il ne serait pas son lit de mort, concernaient la défense du monopole du commerce extérieur et l'extension des pouvoirs législatifs du Gosplan. Sur le plan strictement économique, Boukharine et Sokolnikov pouvaient avoir en partie raison lorsqu'ils demandaient, dans le but de favoriser la reprise de la production dans les campagnes et par contrecoup dans les villes, un relâchement du contrôle des exportations et des importations, qui encouragerait les ventes de produits agricoles à l'étranger et l'acquisition de produits industriels moins chers que ceux fabriqués en Russie, ainsi qu'un frein à l'envahissement d'organes d'État coûteux et lourds. Mais sur le premier point, le problème était pour Lénine subordonné à une question «essentielle et de principe», et qui méritait par conséquent d'être mise au premier plan, même s'il fallait pour cela déclencher une bataille dans le Parti, et, au besoin, au prochain congrès des Soviets. Il s'agissait de savoir au bénéfice de qui, du «nepman» du spéculateur, du petit-bourgeois et des couches supérieures de la paysannerie contre le prolétariat industriel») (26) ou bien au bénéfice de l'État prolétarien, fonctionnerait dans cette hypothèse «notre Commissariat du Peuple au Commerce extérieur». La réponse à cette question ne laissait malheureusement guère de doutes. Sur le second point, il fallait certes avancer avec prudence et en évitant tout «engouement exagéré pour le côté purement administratif des choses» (27). Mais il ne fallait pas non plus perdre de vue l'importance fondamentale, pour la dictature du prolétariat dirigée par le Parti, d'un organe de planification efficace doté de pouvoirs d'intervention de plus en plus étendus (même si cela devait se faire progressivement); et cela aussi c'était une question de principe, à moins de cesser d'être un Parti engagé dans la construction des bases du communisme.

Dans les deux cas la bataille avait été remportée «sans tirer un seul coup de feu», comme l'écrivait Lénine à Trotsky le 21 décembre 1922 (28). Mais en réalité, l'orientation officielle et générale, au sommet du Parti et de l'État, allait dans un sens opposé à ces exigences fondamentales. Autrement dit, le plateau de la balance penchait entièrement en faveur d'un seul des termes du lien dialectique: le marché, avec ses lois d'airain. Si en 1923, et cela ira en s'accentuant au fil des mois, les prix des produits de l'industrie légère augmentaient, c'était aussi parce que les trusts, agissant en fonction du «principe du rendement commercial» et financés sur la base des profits obtenus, hésitaient mettre leurs produits sur le marché, préférant attendre l'accroissement de la demande provoqué par la récolte d'automne et une nouvelle augmentation des prix. Si les prix des produits de l'industrie lourde étaient endémiquement élevés et tendaient encore à augmenter, c'était aussi en raison d'une politique financière favorable aux bénéficiaires les plus immédiats de la NEP: entièrement orientée vers l'équilibre budgétaire, la stabilité, le «gouvernement à bon marché», cette politique lésinait, voire refusait les crédits indispensables à la rationalisation et à la concentration de l'industrie étatisée, conditions nécessaires d'une meilleure efficacité dans la production et de la sauvegarde de la position prédominante du prolétariat et donc de la grande industrie dans la perspective socialiste (29). C'était pour cette même raison que le chômage augmentait dans les villes, que les salaires restaient peu élevés et étaient payés avec retard, que les chômeurs étaient de moins en moins protégés et que l'embauche se faisait de plus en plus à la discrétion des directions des entreprises et à leurs conditions. Face aux nepmans, aux commerçants, aux intermédiaires, mais aussi aux «industriels rouges», pour la plupart anciens propriétaires ou dirigeants d'entreprises, imprégnés d'arrogance productiviste et d'efficacité à tout prix, qui investissaient de plus en plus l'appareil de l'État et même du Parti dans leur quête de prestige et de privilèges, les prolétaires se sentaient de moins en moins les héros de la dictature du prolétariat, et de plus en plus les bâtards de la NEP (30).

Dans la mesure où elle s'adaptait beaucoup plus au mouvement du marché qu'elle ne le contrôlait, cette politique favorisait d'autre part la différenciation sociale à la campagne. Le paysan pauvre et très pauvre mangeait plus et mieux, il est vrai, mais il était de plus en plus souvent obligé de louer son lopin de terre et de vendre sa force de travail comme salarié. Le paysan moyen et riche, lui, obtenait des facilités croissantes, bénéficiait de l'ouverture des marchés d'exportation, et tirait le plus grand profit des dégrèvements fiscaux et du lien avec le commerce et avec les petites industries locales. Cette même politique sous-tendait enfin les préoccupations des grands organismes financiers arriver à équilibrer le budget de l'État au détriment de l'industrie, avoir une balance commerciale excédentaire pour accumuler des devises fortes au détriment, une fois de plus, de l'industrie lourde, qui avait besoin d'importer des machines. L'ensemble de ces facteurs matériels modifiait rapidement le visage du pays de la dictature du prolétariat et de l'Octobre rouge, ainsi que celui du Parti qui le dirigeait.

L'orientation de la politique économique de la direction était en somme de privilégier le développement du marché et celui de l'agriculture, en misant sur eux comme leviers de l'accumulation élargie qui devait, à terme, provoquer l'expansion de l'industrie; dans l'immédiat, elle contraignait l'industrie à baisser ses prix en utilisant l'arme des crédits et des subventions, en attendant que l'augmentation de la demande essentiellement rurale jointe à la concurrence des produits manufacturés importés moins chers donnent l'impulsion à la modernisation, à la rationalisation et à la restructuration de l'appareil industriel; en d'autres termes elle laissait ce dernier se débrouiller tout seul en obéissant aux impératifs du marché (31). La ligne politique correspondant à une telle orientation était dirigée essentiellement vers les classes moyennes rurales et urbaines, et prédisposée à subir chaque jour davantage leur influence, même sur le plan idéologique; une ligne conciliante donc, même sur le terrain programmatique, enfermée dans un horizon conservateur, «national», voire grand-russe, et attachée à une conception plus ou moins ouvertement «harmonieuse» de la «voie au socialisme». Cette ligne n'avait pas encore trouvé (sauf dans la question, vite retirée, de la suppression du monopole du commerce extérieur) son théoricien sur le plan économique et politique. Elle agissait cependant conformément à ce qui sera théorisé plus tard par Boukharine, et on ne pouvait nier à cette ligne une certaine cohérence (32). Pour s'affirmer et se maintenir dans un parti aux solides traditions prolétariennes et internationalistes, mais reposant sur deux classes puisque détenant le pouvoir en fonction des tâches propres d'une révolution double, une telle orientation devait nécessairement étouffer et finir par tuer la vie organique du parti lui-même sous le poids d'un énorme appareil bureaucratique et militaire; elle devait modifier non seulement le «visage» de ce parti mais aussi sa nature profonde, en le subordonnant à l'État d'où il tirait sa force matérielle dans l'affrontement avec les oppositions internes, ainsi que le personnel chargé d'éliminer toute résistance avec tout le cynisme des «praticiens»ne supportant pas la théorie. Cela était inévitable et, comme nous le verrons, Trotsky à la fin de 1923 et Kamenev en 1926 ne manquèrent pas de reconnaître et de souligner le lien objectif et déterminant existant entre les deux phénomènes.

Les adversaires d'une conception aussi déformée de la NEP eurent indéniablement le mérite de souligner l'importance primordiale de l'industrie en tant que condition matérielle d'existence du prolétariat et en tant qu'arme de sa dictature (33) dans une phase nécessairement non harmonieuse de transition vers le socialisme. Mais à l'exception de Trotsky, ils tendaient eux aussi à forcer sur un des termes du lien dialectique de la formulation léninienne de la NEP au détriment de l'autre et, plus encore, à insérer dans le cadre d'une «doctrine» de leur cru: la perspective d'une fermeture des deux «branches» des ciseaux grâce à une politique de discipline du marché et de planification de l'économie, du moins dans le secteur industriel (ce qui, sur le plan économique, était en partie juste). Leur doctrine voyait dans la lutte jamais achevée (qu'elle fût ouverte ou souterraine) entre les deux classes un duel entre le «socialisme» qui progressait dans la grande industrie et le capitalisme qui «renaissait» dans l'agriculture et (par l'intermédiaire du commerce) dans les villes. Dans une telle perspective, la «retraite» politique qu'était la NEP pour Lénine se transformait en retraite économique, en recul d'un communisme débutant à un capitalisme naissant, ainsi qu'en capitulation idéologique du parti. Au lieu de voir ce qui se passait dans la réalité, à savoir une âpre lutte engagée entre deux grandes forces sociales, avec toutes les interrelations complexes qui en découlaient, ils voyaient le problème et les solutions à y apporter sous l'angle d'une opposition entre deux grandes «catégories» relevant de la spéculation pure. Aux antipodes des «harmonies» économiques et de l'optimisme politique de commande de la position officielle, et poussant sa propre position à l'extrême, l'opposition que nous appellerons «industrielle» des Préobrajensky et des Piatakov déplaçait tout l'axe de la reprise de l'économie, agriculture comprise, vers la grande industrie «socialiste»: le développement de celle-ci devait être vigoureusement stimulé par des crédits, des reconversions, des rationalisations, des importations de machines, etc., en prenant le risque calculé d'un déficit du budget de l'État et de la balance commerciale, d'une pression accrue sur les paysans, et d'une «demande de crédit» adressée à la classe ouvrière sous forme de salaires bloqués et d'accroissement de la charge de travail. Cette position déplaçait la polémique sur un terrain théorique extrêmement glissant et périlleux (sur lequel jouera le stalinisme à ses débuts en se reliant à des polémiques récentes de Lénine) (34). En outre, elle refusait de voir que l'appareil de l'industrie légère et lourde et du Gosplan - instruments du socialisme quand on entrerait dans le socialisme, mais aussi du capitalisme dans lequel on était encore - était lui-même un des terrains d'élection des cadres dirigeants et de l'idéologie productiviste, soucieuse d'efficacité à tout prix, grand-capitaliste et nationale d'où sortiront - et ce n'est pas par hasard - les grosses têtes de l'industrialisme stalinien et de ses planifications, et une des sources du «bureaucratisme» contre lequel des rebellions commençaient à se faire jour.

Fasciné par le problème économique de la «crise des ciseaux» (au point de ne pas livrer bataille - alors que Lénine l'avait exhorté avec insistance à le faire à sa place - sur le terrain éminemment politique de la «guerre à mort contre le chauvinisme de grande puissance» au XIIème Congrès du Parti en avril 1923), Trotsky maintint jusqu'à l'automne 1923 une position d'une certaine façon éloignée des deux positions que nous venons de décrire sommairement. Il avait vigoureusement défendu la NEP au IVème Congrès de l'Internationale (35), en niant entre autres qu'il y ait eu le moindre «communisme» à l'époque du «communisme de guerre» (si cher à Préobrajensky, et, alors du moins, à Boukharine), ce qui revenait à nier implicitement qu'il pût y en avoir en 1923. Il avait une conscience aiguë du fait que l'objectif premier était de réactiver et de stimuler l'industrie, mais aussi qu'il était nécessaire d'assurer, dans ce cadre, un équilibre ne serait-ce que dynamique (et non «harmonique» par on ne sait quel décret de la providence historique) entre les deux grands secteurs de l'économie. Ses «Thèses sur la réorganisation de l'industrie pour le XIIème Congrès du PCR» s'écartaient des deux positions extrêmes, celle de la droite «superruralisatrice» et celle de la gauche «super-industrialisatrice». Au centre du problème de la «fermeture» des branches des ciseaux, elles posaient une exigence essentielle: celle de mettre la grande industrie d'État, «qui reproduit le prolétariat» et qui constitue «la base indestructible de la dictature du prolétariat», en mesure de rattraper son retard par rapport à la croissance de la production agricole, et en mesure de ne pas se développer «au détriment du budget de l'État et donc, en définitive, de la classe paysanne», grâce à d'énergiques mesures de rationalisation et de concentration (condition préalable indispensable pour arriver à une réduction radicale des prix de revient). Cependant, loin de sous-estimer, comme on le dira plus tard, «le poids écrasant de l'agriculture dans l'économie russe», les thèses de Trotsky reconnaissaient que le maintien d'un lien entre les deux grands secteurs et les deux grandes classes de la société était une condition essentielle à la vie et au renforcement du pouvoir soviétique, et que la «reproduction élargie» dans l'industrie, voire la «renaissance» de celle-ci, ne pouvaient se faire que «dans le plus étroit rapport d'interdépendance» avec le développement de l'agriculture. Elles proclamaient la nécessité d'une planification générale des ressources, mais soulignaient que «l'application administrative des méthodes de planification économique exige une extrême prudence, une étude précise du terrain», et elles subordonnaient le dépassement de l'arriération économique de la Russie soviétique, qui se traduisait par l'«importance encore dominante» de l'économie agricole, moins aux «succès économiques internes» qu'au «développement de la révolution en Europe et en Orient» (36).

Sans s'arrêter ici sur les détails de ce texte vigoureux (nous le ferons en analysant «Cours Nouveau») il faut relever deux points essentiels pour la suite. Tous les protagonistes de ce débat (et c'est ce qui lui donne, comme nous l'avons dit par ailleurs, un aspect de tragédie classique) sont prisonniers de forces qu'ils ont eux-mêmes, en tant qu'instruments vitaux du parti au pouvoir, contribué à engendrer; et parmi ces forces il y a aussi leur passé de militants révolutionnaires leur formation idéologique, leur rôle dans le mécanisme de la dictature, leur tradition de lutte et d'activité dans le parti ou en dehors de celui-ci. Dans l'élaboration théorique comme dans la réalisation pratique, Trotsky n'était dépassé que par Lénine; mais il n'avait jamais assumé le rôle typique de ce dernier: dire constamment et crûment la vérité au Parti, le placer chaque fois en face de la difficulté de ses tâches, livrer au besoin bataille au sein même du Parti pour l'empêcher de perdre la continuité de son orientation. Les interventions de Trotsky, souvent extraordinairement anticipatrices, ressemblaient à des sursauts soudains, comme s'il s'agissait de la voix de quelqu'un d'extérieur. Il n'avait pas guidé patiemment le parti, il l'avait - à de longs intervalles - brutalement tiré de son sommeil (et pas toujours dans la bonne direction ou avec la bonne méthode). L'année 1923, qui aurait du être pour Lénine une année de bataille politique, fut au contraire pour Trotsky une année de silence sur les graves questions qui agitaient le Parti (et pas seulement au sommet), un silence qui ne fut que tardivement interrompu par le coup de tonnerre soudain et «traumatisant» d'octobre-décembre. C'est pourquoi ses Thèses et, plus encore, son discours de présentation, semblent lancés dans le vide; et ils le sont en réalité, car ils éludent le nœud complexe de problèmes théoriques et politiques dans le cadre desquels ils prenaient cependant un sens profond. Ce sont donc deux épisodes d'une bataille déjà perdue.

Mais il y a malheureusement dans ces thèses et ce discours quelque chose d'autre, qui aura son importance pour la suite des événements: d'une part, des formulations théoriques controversées et discutables, d'autre part, des formules brillantes mais «provocatrices» parce que doctrinalement peu sûres. Et c'est ici que se situe une autre différence avec Lénine: l'insuffisance chez Trotsky de cette rigueur théorique qui était aux antipodes de l'improvisation et de l'hyperbole, et l'absence de cette continuité qui caractérisait chez Lénine la conception du cycle des révolutions doubles. Dans les deux textes dont nous parlons, l'exigence de la planification est rappelée avec précaution; mais dans la façon de formuler le principe de la planification (et du développement de l'industrie d'État) on retrouve l'écho d'une idée qui chez Trotsky est étroitement liée à sa version de la théorie de la révolution permanente: l'idée selon laquelle le prolétariat, ayant pris le pouvoir au cours de la révolution démocratique bourgeoise, ne pouvait pas ne pas introduire après Octobre des mesures socialistes, y compris sur le plan économique. D'où l'insistance de Trotsky sur «notre économie socialiste» identifiée avec le secteur des nationalisations, de la propriété d'État des moyens de production, du «capitalisme d'État entre guillemets» (comme dans le discours au IVème Congrès de l'Internationale que nous avons cité). D'où les divagations sur l'«accumulation primitive socialiste», formule lancée imprudemment et reprise plus tard par Préobrajensky dans un sens théorique abstrait que Trotsky ne fera cependant jamais sien. D'où, dans le discours au congrès d'avril 1923 du PCR, la déclaration selon laquelle «nos succès sur la base de la nouvelle politique économique nous amènent automatiquement plus près de sa liquidation, de son remplacement par une «plus nouvelle» politique économique, qui sera une politique socialiste»; comme si un «saut» de ce genre dépendait de la volonté du Parti, ou inversement d'un processus automatique se déroulant dans le cadre d'un seul pays, arriéré de surcroît! Là résidera d'ailleurs, plus tard, par un paradoxe qui n'est qu'apparent, le point de convergence relative des oppositions russes de gauche avec le stalinisme: après 1927 et, pour Trotsky, le point d'appui de la théorie de l'État ouvrier dégénéré, reposant soi-disant sur des bases économiques déjà socialistes mais surmonté d'une bureaucratie aveugle et sourde aux tâches politiques internationales de la dictature. D'où aussi le plaidoyer en faveur d'une «dictature de l'industrie» - même si ce n'était qu'une opposition polémique à la réelle «dictature de la finance» (orthodoxe!) de la direction du Parti –, qui aurait dû être le prolongement, sur le plan économique, du pouvoir politique totalitaire exercé par le prolétariat à travers son Parti. D'où, en somme, toutes ces ambiguïtés qui pèseront sur tout le cours ultérieur de la crise interne du PCR, et qui seront pour l'Opposition de 1926-1927 en général (et en particulier pour Trotsky d'une part, pour Préobrajensky-Piatakov d'autre part) un talon d'Achille durable (37).

Ce n'est que lorsque la crise économique explosera en crise politique, avec les manifestes du Groupe Ouvrier et de Vérité Ouvrière et l'arrestation en masse de leurs militants, avec les grèves un peu partout et les violentes manifestations de mécontentement du prolétariat, avec la publication imminente de la «plate-forme des 43», et avec les signes prémonitoires (et bientôt, malheureusement, confirmés) de la débâcle prolétarienne en Saxe et en Thuringe, ce n'est qu'alors, à l'automne 1923, que Trotsky sortira de son silence. Dépassant l'horizon étroit des considérations économiques et administratives, il prendra alors le taureau par les cornes comme le lui avait enseigné le bolchévisme de Lénine, et soulèvera dans «Cours Nouveau» les problèmes fondamentaux du Parti. Même si le ton en est, encore une fois, un peu celui de quelqu'un d'extérieur, même si la terminologie y a parfois un accent «démocratique» ambigu (qui s'explique d'ailleurs historiquement), les pages de «Cours Nouveau» comptent parmi les plus élevées qu'un marxiste ait écrites, parmi les plus vigoureusement dialectiques, les plus éloignées de tout jugement personnel et circonstanciel et - nous ne le disons pas par esprit de clocher mais parce que c est un fait historique - parmi celles qui se rapprochent le plus de la façon dont notre courant posait les problèmes au sein du Komintern. Trotsky ne trouvera plus jamais la force d'en écrire de pareilles, unissant tant de lucidité à tant de passion. Au risque d'être plus longs que prévu, il nous faut, avant d'aller plus loin, prendre le temps de les étudier et de les commenter.

[quatrième partie]

Notes:
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  1. «Programme Communiste» Nr. 68, octobre.décembre 1975. Dans l'introduction de ce texte (p. 28. ligne 26), nous avons laissé échapper une erreur: la Conférence du PCR à laquelle il est fait allusion (26 octobre-3 novembre 1926) n'est pas la XIVème, mais la XVème. [back]
  2. Voir «Programme Communiste» Nr. 69-70, mars 1976, ainsi que la série «La Gauche Communiste sur le chemin de la révolution» dans les Nr. 50, 51-52, 52-54, 55 et 56 de la même revue (octobre 1970 à juillet-septembre 1972). [back]
  3. «Cours nouveau», IV, Le bureaucratisme et la révolution, point 6, dans «Les bolchéviks contre Staline», 1923-1928. Paris. 1957, p. 30. [back]
  4. Ibidem, p. 30. [back]
  5. Respectivement «Œuvres», tome 33, pp. 501-517. 495-500, et tome 36, pp. 605.610 (La «Lettre au Congrès» des 24-25 décembre 1922 est parfois connue sous le nom de «Testament» de Lénine). [back]
  6. «Je déclare une guerre à mort au chauvinisme grand-russe. Aussitôt que je serai délivré de ma maudite dent, je le dévorerai avec toutes mes dents saines» («Billet au bureau politique» du 6 octobre 1922. «Œuvres», tome 33, p. 379). Voir la suite dans les trois «notes» extrêmement violentes au Congrès sur «La question des nationalités ou de l'«autonomie»», 30-31 décembre 1922, «Œuvres», tome 36, pp. 618-624. [back]
  7. «Thèses de Lyon», IIème Partie, Questions russes. [back]
  8. «Cours nouveau», op. cit., p. 31. [back]
  9. «Rapport sur le congrès d'unification du POSDR», mai 1906, «Œuvres», tome 10, pp. 347-348. [back]
  10. «Discours de clôture sur la question agraire», 25 avril 1906, «Œuvres», tome 10. p. 290. Ailleurs Lénine dira même «de rempart» à la restauration. [back]
  11. «Rapport sur le congrès...», op. cit., p. 349. [back]
  12. Dans «Le programme agraire de la social-démocratie», novembre-décembre 1907 («Œuvres», tome 13, p. 344), on peut lire:
    «
    Il nous est impossible de susciter à notre gré une révolution socialiste en Occident, seule garantie absolue contre la restauration en Russie. Mais une «garantie» relative et conditionnelle, c'est-à-dire celle qui créerait les plus grands obstacles à la restauration, c'est d'accomplir en Russie une révolution la plus profonde possible, la plus conséquente, la plus énergique. Plus la révolution gagnera du terrain, et plus difficile sera la restauration du passé, plus il restera de terrain même en cas de restauration»
    (c'est nous qui soulignons). Qu'a fait le stalinisme, du fait du retard, puis de l'absence de la révolution internationale, si ce n'est d'hériter, pour y bâtir l'édifice de la restauration, du terrain gagné, grâce à la prise du pouvoir politique par le prolétariat, par une révolution économiquement bourgeoise mais poussée jusqu'au bout, y compris la nationalisation de la terre et de l'industrie et la planification économique? Sur le plan historique, ceci constitue également le côté positif, bien qu'intégralement bourgeois, du stalinisme, une condition favorable supplémentaire pour la révolution prolétarienne qui devra abattre son immonde édifice. Mais c'est par cette voie qu'a été rendue possible, au prix de l'élimination (y compris physique) du Parti de classe, la liquidation de la victoire prolétarienne d'Octobre, la «
    restauration après la victoire de la révolution» prévue par Lénine comme possible «et même inévitable» si l'incendie révolutionnaire en Occident se faisait attendre trop longtemps. C'est à cette évidence que Trotsky ne s'est jamais rendu (pour des raisons que nous laissons de côté pour l'instant). [back]
  13. «Rapport politique du comité central du PC(b)R au XIème Congrès», 27 mars 1922, «Œuvres», tome 33, p. 306. [back]
  14. «Œuvres», tome 34, p. 577. Toutes les lettres de Lénine à Kourski dans cette période méritent d'être lues et méditées. [back]
  15. Cf., dans la première partie de cette étude («Programme Communiste» Nr. 68) les lettres citées à Molotov sur l'épuration du Parti. [back]
  16. «Lénine sur le chemin de la révolution», conférence tenue par A. Bordiga le 24 février 1924 à Rome, republiée dans ««L'estremismo, malattia infantile del comunismo», condanna dei futuri rinnegati», Ed. Il programma comunista, 1973, p. 30, et traduite en français dans «Programme communiste» Nr. 12. [back]
  17. Que Lénine lui-même ait eu une notion insuffisante des problèmes, surtout tactiques, de la révolution en Occident (comme on l'a dit dans la première partie de cette étude), c'est une autre question. [back]
  18. «De la coopération», I, «Œuvres», tome 33, p. 486. [back]
  19. Ces deux formules se trouvent dans le discours, pourtant fondamental, de Trotsky au IVème Congrès de l'Internationale Communiste sur «La Nouvelle Politique Economique de la Russie Soviétique et les perspectives de la révolution mondiale» le 14 novembre 1922 (cité d'après le texte anglais reproduit dans «The first 5 years of the Communist International», New York, 1972, vol. 2, p. 245), où elles apparaissent comme des fausses notes, compréhensibles cependant si on les rattache à l'interprétation de la révolution permanente propre à Trotsky. Dans nos «Thèses de Lyon» (1926) le phénomène sera analysé de façon bien différent:
    «
    La grande industrie étatisée est socialiste dans la mesure où elle obéit aux impératifs productifs de l'État, qui est un État politiquement prolétarien. La distribution de ses produits s'opère toutefois sous une forme capitaliste, c'est-à-dire par le mécanisme du libre marché concurrentiel» («Défense de la continuité du programme communiste», op. cit., p. 131).
    À son tour, notre étude de 1955-57 sur la «Structure économique et sociale de la Russie d'aujourd'hui» rappelle l'objection que notre courant fit à Trotsky en marge du IVème Congrès:
    «
    On ne peut adopter la comptabilité capitaliste si ce n'est en reconnaissant qu'on reste dans le cadre du mode de production propre au capitalisme: salaire en monnaie aux travailleurs proportionnel à la durée du travail, bilan de recettes et de dépenses, marge de gain» («Struttura economica e sociale della Russia d'oggi», Ed. Il Programma comunista, 1975, p. 471). [back]
  20. «De la coopération», II, in «Œuvres», tome 33, p. 486. Il vaut la peine d'observer que, même «techniquement», des coopératives de ce type n'ont rien à voir avec celles invoquées par Boukharine (dont on parlera plus loin) à l'époque où il était le porte-parole officiel de Staline, ni avec celles qui seront plus tard, avec les kolkhoses, codifiées comme des formes d'«économie collective» dans le cadre du «socialisme dans un seul pays». Pour Lénine, non seulement la terre mais tous les moyens de production des coopératives sont propriété de l'État, et donc des armes de la classe ouvrière. Le kolkhose, en revanche, a la jouissance perpétuelle (donc pratiquement la propriété) de la terre, et il la travaille avec ses propres moyens de production; le kolkhosien, lui, est propriétaire, personnellement ou avec sa famille, d'un lopin de terre, de sa maison et de ses outils, et les produits de son travail sont en partie consommés directement, en partie vendus sur le marché libre, comme d'ailleurs les excédents de la récolte du kolkhose lui-même, une fois prélevée la part de l'État. Et le tout est, de plus, reconnu comme un «droit privé» intangible!
  21. «De la coopération», I, op. cit., p. 481. [back]
  22. C'est ce que Trotsky observe à très juste titre dans «L'Internationale Communiste après Lénine» (Paris, PUF, 1969, tome 1, p. 125) à propos de ce texte. «Totalement consacré aux formes sociales de l'organisation de la transition entre la petite économie privée et l'économie collective» en tant que problème spécifique s'insérant dans le cadre de la vision générale du problème de la NEP, ce texte est un des derniers écrits de Lénine, et un de ceux qui furent le plus exploités contre cette même vision. Dans ce cadre, Lénine n'avait pas besoin de répéter pour la énième fois que la clé de voûte de tout l'édifice était la victoire de la révolution dans le monde. D'autre part, lorsque Lénine écrit un peu plus loin que le travail culturel (considéré non comme un travail de pure «éducation intellectuelle», mais comme inséparable d'un «certain développement des moyens matériels de la production» et comme indispensable pour donner de la substance, et donc de la vitalité, à la coopération agricole au sens que nous avons vu plus haut) réclamera encore dix ou vingt années, il ajoute que cette hypothèse a pour condition «le devoir que nous avons de défendre notre position à l'échelle internationale» (et non de lui tourner le dos pour ne s'occuper que de «nos»propres affaires «nationales», messieurs les partisans du «socialisme dans un seul pays»!). [back]
  23. «Rapport sur la tactique du PCR au IIIème Congrès de l'Internationale», 5 juillet 1921, «Œuvres», tome 32, p. 521 (c'est nous qui soulignons). [back]
  24. «Rapport au XIème Congrès du PCR», «Œuvres», tome 33, p. 290. Il est caractéristique que les cibles de Lénine aient été, à l'époque, surtout Boukharine et Préobrajensky, de même que, dans la polémique sur les syndicats de l'année précédente, elles avaient été Boukharine et Trotsky. À son habitude, Staline se tenait à l'écart dans le chœur des «poètes de la NEP», uniquement préoccupé de la Realpolitik de l'État grand-russe. [back]
  25. Voir nos textes «Dialogue avec Staline» et «Dialogue avec les morts». Pour toute cette période le lecteur pourra aussi se reporter à des textes fondamentaux comme «Bilan d'une révolution» (en particulier pp. 79-95 et 128-134) et «L'économie russe d'Octobre à nos jours» (pp. 39-62). [back]
  26. «Le monopole du commerce extérieur» (13 décembre 1922), «Œuvres», tome 33, p. 471. [back]
  27. Selon les termes employés par Lénine au sujet de Trotsky dans sa «Lettre au congrès» du 25 décembre 1922, «Œuvres», tome 33, p. 607. [back]
  28. «Œuvres», tome 45, p. 627. [back]
  29. «Qui y gagnera le plus, la petite bourgeoisie économiquement hostile au communisme, ou bien la grosse industrie qui est à la base du passage au socialisme, et qui, du point de vue de l'état des forces productives, c'est-à-dire du critérium essentiel de toute l'évolution sociale, est la base de l'organisation économique socialiste puisqu'elle groupe les ouvriers industriels d'avant-garde, la classe qui exerce la dictature du prolétariat?».
    C'est ainsi que Lénine avait formulé le dilemme au Xème Congrès du PCR («Œuvres», tome 32, p. 246. souligné par nous). Et au IIIème Congrès de l'Internationale Communiste, le 5 juillet 1921, il avait souligné: «
    une fois de plus que la grande industrie mécanique est la seule base économique possible du socialisme. Quiconque oublie cela n'est pas communiste» (ibid., p. 523. souligné par nous). [back]
  30. Cf. E.H. Carr, «The Interregnum 1923-1924» (Penguin Books), début du chapitre II de la première partie. Cet ouvrage est par ailleurs d'une grande utilité. [back]
  31. A l'adaptation semi-passive aux lois du marché est également due la grave inflation de la deuxième moitié de 1923: le paiement du nouvel impôt agricole en argent et les exigences du financement de la récolte d'automne ne pouvaient pas ne pas provoquer un accroissement vertigineux de la circulation monétaire (cf. l'ouvrage de Carr). Cette fois encore la pression venait des campagnes, et le Narkomfin (Commissariat du peuple aux finances) la subissait de façon éclectique et chaotique, comme le remarqueront justement, le 15 octobre 1923, les 43 signataires (qui n'étaient d'ailleurs pas d'accord sur tous les points) de la fameuse «Plate-forme». [back]
  32. Il serait contraire à la vérité historique de prétendre que la «droite»boukharinienne (nous laissons de côté le stalinisme qui, tout en oscillant dans son «absence de principes» d'un extrême à l'autre, poursuivait son chemin) ignorait le problème du renforcement de l'industrie d'État (ou contrôlée par l'État) en tant que pont indispensable vers le socialisme futur. Ce qui est vrai en revanche, c'est qu'elle abandonnait - et c'est là sa tâche indélébile - l'orientation internationaliste fondamentale de toute la construction léninienne; et que, d'autre part, elle voulait emprunter une voie lente, peu sûre et détournée, celle du renforcement de l'industrie d'État grâce aux effets stimulants du marché et de l'économie paysanne en expansion, sans même se demander ce qui se produirait au cours de ce parcours indirect dans la structure sociale profonde, et donc dans la superstructure politique et idéologique, et donc aussi dans le parti. De la même façon, il serait faux de dire que la «gauche» préobrajenskienne ignorait délibérément le poids de l'agriculture dans l'économie russe. Elle préconisait une voie directe et en même temps dramatique, mais sans jamais se demander de quel prix, de quels déséquilibres, de combien d'avancées et de reculs, de quelles issues imprévisibles il aurait fallu payer une accélération des rythmes du développement industriel dans un pays à prépondérance agricole, une accélération qui dépendait essentiellement de facteurs révolutionnaires externes. En écrivant sa «Nouvelle Economique» plus d'un an après, Préobrajensky se rendra compte que la réalité matérielle aurait opposé d'énormes résistances à la réalisation de ses schémas théoriques idéaux, et il laissera aux politiques (ce n'était pas là son affaire en tant qu'«économiste pur»!) le soin de trouver les moyens de s'en tirer en pratique: mais qu'est-ce que cela signifiait - indépendamment de tout jugement sur les schémas eux-mêmes - sinon la reconnaissance du fait que c'est une vraie chimère de chercher à construire une doctrine de l'«économie prolétarienne»? La dictature du prolétariat réalise une série d'interventions despotiques dans l'économie et dans les rapports de propriété - interventions inspirées par des principes généraux, certes, mais non fixées a priori - qui sont autant de chaînons dans le passage d'un mode de production à l'autre (et dans un pays arriéré ces interventions ne conduisent pas hors du capitalisme). Elle ne connaît pas en revanche de mode de production qui lui soit propre. [back]
  33. Quand Kamenev déclarera au XIVème Congrès du PCR, en décembre 1925, que «le paysan moyen est le personnage central de l'agriculture, mais non du socialisme», il emploiera une formule forte et, dans le contexte de l'époque, courageuse, mais il ne dira qu'une demi-vérité: le paysan moyen n'était pas, selon Lénine, le personnage central, même de la NEP. C'est le prolétariat qui était le personnage central, même si parmi ses préoccupations il y avait le souci indéniablement central de conserver le «lien» avec le paysan et surtout le paysan pauvre (voir le discours de Kamenev dans «La Russie vers le socialisme», Paris, 1926, p. 219). Trotsky répondait justement aux accusations de... menchévisme: «Le trait essentiel de l'opportunisme, y compris de notre menchévisme russe, est la sous-estimation du rôle du prolétariat, le manque de confiance dans sa force révolutionnaire», et non «la «sous-estimation» du rôle de la paysannerie» («Cours nouveau», op. cit., p. 46). [back]
  34. Il n'est pas difficile rétrospectivement de comprendre pourquoi Lénine jugeait les thèses préparées par Préobrajenski pour le XIème Congrès du PCR comme le travail «archi et hyper académique» d'«un théoricien qui s'oriente dans un cadre bien défini, ordinaire et coutumier, un propagandiste dont la préoccupation est de trouver les moyens de la propagande» (respectivement: «Lettre à Molotov pour les membres du B.P.», 16 mars 1922, «Œuvres», tome 32, p. 242, et «Conclusions sur le rapport politique», etc., au XIème Congrès du PCR, ibid., p. 320). Lucide lorsqu'il s'agissait de dénoncer ce qui se passait dans les campagnes et d'exposer les principes généraux sur lesquels il ne pouvait y avoir de désaccord (comme le développement d'une grande agriculture moderne collective), Préobrajenski ne parvenait pas à indiquer les voies complexes et rien moins que rectilignes par lesquelles ces principes auraient pu être mis en œuvre dans les circonstances données, c'est-à-dire en tenant compte de l'ensemble des facteurs économiques, sociaux, politiques, bref du facteur «de force» en jeu. Pour Lénine, le problème qui se posait n'était pas le but qu'on visait dans la perspective historique, mais comment faire pour y arriver. Quoi qu'il en soit, l'exploitation de ce désaccord, qui portait alors non pas sur les principes mais sur la méthode, par une partie du centre dirigeant au cours de la période 1923-1926, n'était en réalité qu'un prétexte. [back]
  35. C'est même lui qui, dès 1920, avait indiqué qu'elle était nécessaire! [back]
  36. Les Thèses sont reproduites dans le Nr. 74 de «Internationale Presse Korrespondenz» (Inprekor), année 1923, pp. 636-641; les passages cités se trouvent au premier alinéa sur «Le rôle général de l'industrie dans la construction du socialisme». [back]
  37. Tout en partant de présupposés théoriques différents, Préobrajensky et Piatakov arriveront en 1923-1924 à des conclusions analogues à celles de Trotsky (mais en les poussant à l'extrême), bien que les deux courants soient parallèles et ne se fondent pas. Il est utile de remarquer que dans les discours des deux premiers aux différentes réunions du Parti entre la fin de l'année 1923 et fin janvier 1924 (certains de ces discours sont reproduits dans «Documents of the 1923 Opposition», New Park Publications, Londres, 1975), la question du cours de l'économie russe est toujours posée en termes d'expansion de l'industrie et du commerce privés (et, naturellement, de l'agriculture) en tant qu'aire capitaliste, et d'un dangereux rétrécissement de l'industrie, du commerce et de la grande agriculture d'État, ainsi que de la planification, en tant qu'aires économiquement et socialement socialistes. D'ailleurs c'est aussi ce que Trotsky fera en 1925 dans «Vers le capitalisme ou vers le socialisme?» Il n'est pas étonnant que dans la mesure ou avec la dékoulakisation et les débuts des plans quinquennaux la première aire va tendre à rétrécir, Préobrajensky et Piatakov en viennent à s'aligner sur les positions staliniennes (ce que ne contredit pas leur «liquidation» ultérieure), et que Trotsky, bien qu'il ne les suive pas sur le terrain politique, salue le «tournant» de la politique économique comme une victoire indirecte des thèses de l'opposition unifiée. En disant cela, nous ne cherchons pas à «faire le procès»de qui que ce soit mais, dans la ligne de notre manière d'aborder le problème, à suivre un cours historique dans ses déterminations inexorables. [back]

[quatrième partie]

Source: «Programme Communiste» Nr. 73, Avril 1977.

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