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LES UNITAIRES NE SONT PAS COMMUNISTES
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Les Unitaires ne sont pas communistes
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Les Unitaires ne sont pas communistes

Annexes de l'«Histoire de la gauche communiste»
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(1) Ce court article a l'intérêt tout particulier d'énoncer une série de points très importants, comme le fait que l'opportunisme (indépendamment des réserves que fait l'article sur ce mot, aux connotations imprécises et de type moral) n'est pas un phénomène psychologique individuel, ou que l'une des caractéristiques fondamentales du parti de classe est sa capacité de prévision de situations, outre son thème central: sur le plan politique et vis-à-vis des réformistes, on ne peut être unitaire et communiste à la fois.

Au Congrès de Halle, devant les tergiversations des hommes de la droite, selon qui les 21 conditions d'admission à l'Internationale étaient inacceptables, Zinoviev leur demanda d'indiquer comment auraient dû être formulées les conditions pour qu'ils les trouvent acceptables; après leur réponse il a démontré dans un éloquent discours que la droite repoussait en réalité les principes mêmes de la IIIe Internationale et du Communisme par leurs objections aux conditions d'admission; et que nous ne trouvions donc non pas devant un problème d'application ou d'interprétation d'un froid formulaire, mais devant celui de la séparation de deux âmes politiquement et historiquement antithétiques.

Les mêmes positions s'appliquent avec une analogie évidente à l'attitude de la fraction communiste socialiste unitaire. Ses responsables déclarent qu'ils se basent sur les principes communistes et sur le programme de la IIIe Internationale, mais qu'ils ont des réserves à faire aux conditions d'admission.

Eh bien, la nature de ces réserves est telle qu'elle nous permet d'affirmer et de prouver qu'avec celles-ci les communistes unitaires se placent en dehors et contre les axes fondamentaux du communisme; que dans la mesure où ils sont unitaires, ils cessent d'être communistes.

Les tendances de droite du mouvement prolétarien ont une façon particulière d'argumenter et de propager leurs thèses: ne jamais mettre en évidence leur véritable position politique, mais se placer sur un autre terrain, pour, derrière des concessions apparentes aux principes soutenus par la gauche, amoindrir ceux-ci et les remettre en cause par mille moyens et mille critiques polémiques dans le but de semer la confusion et de troubler les masses. Les situations historiques ultérieures montrent ensuite la véritable nature anti-révolutionnaire de ces courants, camouflée sous mille équivoques, mais qui se révèle aux moments décisifs de la lutte prolétarienne. Dans ce phénomène qui n'est pas de nature personnelle et subjective et ne se réduit pas à une manœuvre, mais qui découle des lois dialectiques supérieures qui règlent la formation, dans certaines situations historiques, de la conscience des mouvements collectifs, réside cette maladie que désignent les communistes avec ce mot qui n'est pas très exact d'opportunisme, et dont le IIe Congrès de l'Internationale a fait un brillant diagnostic pour tous les pays, en prescrivant le remède puissant, mais peut-être pas suffisamment héroïque, de l'ordonnance des 21 conditions.

Mais ce n'est pas de ces considérations - très importantes et sur lesquelles nous insisterons, y compris face aux thèses erronées qui proposent de se fier pour la sélection du parti aux seules déclarations individuelles d'acceptation ou non du bagage d'idées et de méthodes de l'Internationale –, ce n'est pas de cet argument que nous voulons nous servir pour prouver que les unitaires sont contre le communisme, mais bien des raisons qu'ils avancent eux-mêmes, et des définitions qu'ils donnent eux-mêmes de leur divergence avec nous.

Leurs réserves, qui leur semblent peu de chose, détruisent en réalité toute la valeur des conceptions marxistes et communistes du rôle du parti et de l'Internationale.

Selon eux, le PSI est un parti qui pour être communiste, pour être de plein droit dans l'Internationale communiste, ne doit que se centraliser et se discipliner un peu plus, et éventuellement exclure certains éléments chroniquement indisciplinés de l'extrême droite, quand le moment sera venu.

Le caractère communiste du parti serait démontré par le fait qu'il aurait résolu de façon radicale deux questions que tous les partis de la IIe Internationale n'ont pas surmontées: la question de la collaboration de classe (comprise dans le sens des alliances électorales et du ministérialisme) et celle de l'attitude face à la guerre.

Mais il est à l'inverse fondamental que la IIIe Internationale historiquement ne s'est pas construite sur ces deux questions; elle est la réunion des partis que l'expérience de la grande crise guerrière ont conduit sur le terrain: 1) de la négation de la défense de la patrie; 2) de la négation de la possibilité pour le prolétariat de s'émanciper par la voie démocratique, c'est-à-dire sans révolution violente et dictature du prolétariat.

Il y a au contraire dans le PSI des partisans de la défense nationale, il y a des adversaires de la violence et de la dictature du prolétariat - et il y a même encore en vérité des partisans de la collaboration ministérielle avec la bourgeoisie, puisqu'à Reggio d'Emilie en 1912 seuls ceux qui préconisaient l'application immédiate de cette collaboration ont été exclus, tandis que restaient les réformistes de gauche, les partisans de Turati, qui, niant l'opportunité contingente, admettaient le principe de la collaboration, et l'admettent encore aujourd'hui sous la nouvelle appellation de la montée au pouvoir, comme je l'ai démontré dans un article précédent.

Prétendre que le PSI est en harmonie avec le caractère historique de la IIIe Internationale, signifie donc travestir et nier le caractère de celle-ci dans ce qu'elle a de plus fondamental et général, de moins accidentel et propre seulement aux conditions de tel ou tel pays.

Mais, ajoutent les unitaires, nous voulons garder dans le parti les éléments de droite, à condition que dans l'action ils soient disciplinés envers le programme communiste.

Une telle conception du parti lui ôte ce caractère d'homogénéité programmatique sans lequel il n'est plus le parti de classe de Marx, dépositaire d'une conscience critique et théorique, d'une vision exacte des évolutions historiques qui se préparent, il n'est plus l'organisation des forces qui sont inspirées par le seul objectif des conquêtes finales et maximales révolutionnaires.

La IIIe Internationale a redonné sa valeur à cette organisation et à ce rôle du parti de classe, alors que dans la période de la IIe Internationale le parti était devenu toute autre chose: une structure bureaucratique toute consacrée à l'action syndicale corporatiste et à l'action parlementaire et réformiste. Le parti ne voyait plus ni ne représentait plus la mission historique du prolétariat, mais les petites aspirations fragmentaires et immédiates de groupes ou groupuscules de prolétaires.

Le PSI conserve encore ce caractère ouvriériste, labouriste et électoraliste dans le mécanisme de sa constitution et de sa fonction. Moins, si l'on veut, que d'autres partis de la IIe Internationale, mais il le conserve tout de même.

Les unitaires ne veulent pas le supprimer, et cela découle non seulement de leur a priori unitaire, mais aussi de leur argument fondamental selon lequel il ne faut pas perdre les municipalités, les sièges au parlement, les Ligues et toutes les autres organisations dirigées par le parti. Ces institutions et ces formes d'action, au lieu d'être utilisées pour y mener le travail politique révolutionnaire du parti comme l'indiquent le Manifeste des Communistes et les thèses de l'Internationale, deviennent des fins en soi, comme c'était le cas dans la tactique révisionniste de la vieille Internationale.

Les unitaires disent autre chose encore: nous reconnaissons qu'une partie du parti soit s'éloigner; mais nous croyons que le moment n'est pas encore venu, et nous demandons que Moscou ne nous l'impose pas maintenant.

Pour raisonner ainsi, il faut en réalité ne pas comprendre la conception communiste du parti. Du point de vue marxiste, la valeur du parti réside dans sa capacité à prévoir les situations historiques dans laquelle se présentera la lutte de classe et dans sa capacité à préparer les masses à ces situations; et surtout - et c'est là la raison d'être historique de la nouvelle Internationale - dans sa capacité à utiliser les expériences révolutionnaires riches d'enseignement de cette période de guerre, pour paralyser l'action anti-révolutionnaire que mènent les socialistes de droite dans les situations révolutionnaires décisives.

Au Congrès de Bologne le Parti Socialiste Italien a adhéré à la IIIe Internationale et il s'est donné un nouveau programme qui glissait sur la règle déjà bien connue de la Ier Congrès de l'Internationale selon laquelle il fallait se séparer de sociaux-démocrates. L'Internationale n'avait pas alors de mécanisme organisationnel pour contrôler les adhésions. Le IIe Congrès a pourvu à cela en constatant que, parmi les autres partis, le parti italien n'était pas dans les conditions historiques de faire partie de la IIIe Internationale.

L'heure de la sélection est déjà passée depuis un an et demi, l'Internationale n'a fait qu'en prendre acte, et les unitaires prétendent qu'il s'agit d'une demande improvisée, inattendue, envoyée en toute hâte de Moscou!

Tout ceci démontre que parmi la grande majorité qui se déclarait maximaliste à Bologne, une bonne partie n'avait pas compris le caractère historique de la nouvelle Internationale et la nouvelle fonction que devait assumer le Parti; ce maximalisme de l'apparence s'est peu à peu différencié de ce qui s'est regroupé de communiste dans le parti, et aujourd'hui il est possible de distinguer à l'œil nu ces deux courants, séparés par le problème de l'unité et de l'attitude devant les décisions du Congrès International.

Derrière la formule contradictoire dans ses termes mêmes de communisme unitaire se rassemblent les éléments (l'expression n'indique pas seulement des hommes, mais des groupes, des forces, des rapports) non communistes du parti qui en sont restés à une conception et une activité historiquement dépassées, antithétique à celle de la IIIe Internationale.

Cela ne veut pas dire que tous les effectifs de la fraction unitaire ne sont constitués que de camarades non communistes. Cela veut dire que dans ses positions et dans son action, cette fraction reprend et met au premier plan précisément tout ce que notre Parti a d'ouvriériste, de social-démocrate, d'attaché par routine aux formes de la vieille Internationale, tout ce dont les communistes doivent à tout prix se séparer, tout ce dont les communistes doivent se libérer dans un suprême effort - ce qui n'exclut pas que beaucoup de partisans actuels de l'erreur et de l'équivoque unitaire soient attirés dans l'orbite communiste, quand l'équivoque sera brisée avec toute l'énergie et tout le courage qui sont nécessaires.

Notes:
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  1. «Il Comunista», n° 7 - 26/12/1920 [back]

Source: «Programme Communiste», n° 97, Septembre 2000 («Il Comunista», n° 7 - 26/12/1920)

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