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REFORMISME ET SOCIALISME


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Réformisme et socialisme
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Sur le fil du temps

Réformisme et socialisme

Hier

Pendant des dizaines et des dizaines d’années de polémique, les détracteurs du marxisme ont toujours essayé de montrer que celui-ci oscillait entre deux positions mal conciliées, l’une maximaliste, entièrement basée sur l’exaspération de la lutte de classe qui devait mener à la «catastrophe» sur laquelle ils ironisent tant, l’autre minimaliste, soucieuse d’obtenir pour les classes travailleuses des améliorations sur le plan économique et une série de mesures de protection instaurées par la loi.

On a prétendu trouver cette double orientation dans les textes fondamentaux du marxisme, on a attribué la vision révolutionnaire et violente aux écrits de jeunesse de Marx et Engels, on a soutenu que dans leurs études et leurs enquêtes ultérieures sur l’économie et la société ils avaient peu à peu modifié et rectifié leur position. Pour «démontrer» cela, on a opposé la grande œuvre de Marx, le Capital, à ses premiers écrits, et, comme Lénine l’a prouvé de façon irrévocable, on a falsifié habilement et censuré des textes pour présenter sous un certain jour la façon dont Engels a mené sa tâche délicate d’interprète posthume de Marx, de guide théorique et politique du parti socialiste d’Allemagne et de la IIû Internationale dans les dernières années du XIXû siècle.

Une autre thèse vulgaire avancée par des gens sans scrupules consiste à dire que les visions révolutionnaires et les affrontements sociaux apocalyptiques invoqués dans les œuvres du début dénotaient l’influence de l’idéalisme dont Marx et Engels furent les adeptes dans leur jeunesse, et dont ils se seraient libérés pour passer sur le terrain plus calme d’un gradualisme positif qui, loin des négations radicales, admettait de plus en plus la possibilité de transformation évolutives. Ceci aussi est parfaitement faux. Mais ce n’est pas l’aspect philosophique de la question qui nous intéresse ici.

Comme toujours, la «contradiction» n’existe que dans la tête de ceux qui n’ont jamais pu assimiler la méthode de Marx. Elle tient à la confusion brouillonne entre trois ordres d’affirmations et de thèses: en premier lieu, celles qui relèvent d’une analyse scientifique objective des caractéristiques du processus social; en second lieu, celles qui sont du domaine de la critique polémique des idéologies par lesquelles les différentes classes historiques reflètent les rapports économiques, ainsi que des institutions qui encadrent ces rapports et en constituent la superstructure; en troisième lieu les positions qui répondent à l’organisation et aux tâches du mouvement ouvrier et du parti de classe, c’est-à-dire la lutte et l’intervention directe dans les événements. Et les révisionnistes de tous genres font habilement la plus grande confusion entre ce dernier niveau, qui est le point d’aboutissement de la méthode socialiste, et une partie essentielle et vitale de l’étude scientifique constituant le premier niveau: celle qui, après avoir établi les lois régissant les événements passés et présents, recherche la direction du développement futur des formes sociales.

Avant de confronter deux textes, qu’il s’agisse de Marx ou d’un autre, il faut d’abord savoir si l’on a affaire au savant, au critique, au polémiste, ou bien à l’organisateur et à l’homme de parti, ces différents moments n’étant pas contradictoires mais dialectiquement liés. Il ne faut pas oublier non plus que dans le cas de Marx, c’est parfois l’éditeur qui parle, à des moments particulièrement difficiles pour la propagande, dans des pays où elle subit des entraves particulières, et que les préfaces, les présentations et les réponses aux objections du monde de la culture et aux préjugés de l’opinion publique – auxquels, écrit Marx, «je n’ai jamais fait de concessions» – doivent tenir compte de certaines barrières sociales. A la suite des lois antisocialistes en Allemagne, ce n’est qu’à partir de l’année 1890 qu’il fut à nouveau possible de faire circuler dans ce pays les textes de Marx. Pour faire entrer en Russie son essai sur L’impérialisme, qui énonçait la thèse selon laquelle c’était en condamnant le régime russe et en luttant contre lui, et non en faisant la morale aux Allemands et aux Anglais que l’on combattrait vraiment la politique russe d’oppression nationale, Lénine avait été obligé de prendre l’exemple… du Japon et de la Corée! Dans tous ces cas, et ils étaient nombreux, il appartenait aux militants intelligents et aux ouvriers doués du sens de classe de bien comprendre de quoi il s’agissait.

Marx et Engels ont expliqué maintes fois pourquoi ils ont fait une très large place dans leurs œuvres aux mesures de législation sociale anglaise, qui ont été imitées dans les autres pays avec plusieurs dizaines d’années de retard, et aux luttes que la classe ouvrière a dû mener pour leur conquête. Mais la phrase classique du Manifeste selon laquelle ces conquêtes n’ont d’autre valeur que d’étendre l’organisation de lutte du prolétariat, et la condamnation de toute forme de socialisme bourgeois qui ramène la transformation sociale à des améliorations administratives qui «dans le meilleur des cas, diminuent pour la bourgeoisie les frais de sa domination», montrent bien quelle fut, pendant cinquante ans, l’appréciation constante de Marx et Engels sur la législation réformatrice.

L’important mouvement moderne des lois sociales – limitation de la journée de travail, du travail des femmes et des enfants, contrôle des conditions d’hygiène dans l’industrie, précautions contre les accidents du travail –, ainsi que les mesures postérieures à la rédaction du Capital, comme les assurances sociales de toute nature, intéressent la méthode marxiste et le socialisme d’un triple point de vue, comme cela apparaît cent fois dans les textes marxistes, depuis la «Critique de l’économie politique» de 1859 jusqu’à la Préface de 1892 à la «Situation de la classe laborieuse en Angleterre» d’Engels. en passant par l’«Adresse inaugurale de l’Association Internationale des Travailleurs» de 1864, la Préface de 1867 et de nombreux chapitres du «Capital», la Préface de 1872, la «Critique du programme de Gotha» de 1875, et de nombreux autres textes.

1. Réfutation de la théorie bourgeoise. Avec Ricardo celle-ci atteint une limite qu’elle ne peut dépasser. Ayant reconnu que le travail est la source de la valeur, Ricardo admet qu’il y a antagonisme entre les intérêts du travailleur salarié et ceux de l’industriel. Mais pour des raisons historiques, sociales et politiques, il soutient que par le libre jeu de ses lois propres, le système de production industriel, le système des libres entreprises concurrentes engendre des équilibres et crée l’harmonie entre les intérêts particuliers et l’intérêt général en élevant progressivement le niveau de vie du peuple. Il était primordial de montrer que la bourgeoisie ne connaît pas la théorie de son propre développement et qu’elle doit renier dans la pratique sa propre théorie: en effet, si elle n’intervenait pas pour vaincre la résistance de tel ou tel industriel particulier et lui imposer des limites, ce serait la famine extrême, la dégénérescence de la race, la fin du système. Plus le parlement anglais, le champion du libéralisme et de la non-intervention en matière économique, adopte des lois de ce genre, plus la théorie marxiste apparaît comme exacte, surtout dans sa réfutation de l’économie officielle. L’extension du processus à tous les pays du monde ne fait que souligner son éclatante supériorité.

2. Accélération du développement du système capitaliste dans le sens établi par le marxisme: élimination de tous les résidus des vieilles économies à production fractionnée, concentration du capital et progression vers la situation où la lutte générale pour la possession des forces productives devra éclater entre les classes ennemies. C’est ce que dit textuellement la fin du chapitre XV (§ 9) du «Capital»:

«Cette généralisation [de la législation sur la fabrique]… hâte en même temps […] la métamorphose du travail isolé, disséminé et exécuté sur une petite échelle, en travail socialement organisé et combiné, et par conséquent, aussi, la concentration des capitaux et le régime exclusif de fabrique. Elle détruit tous les modes traditionnels et de transition derrière lesquels se dissimule encore en partie le pouvoir du capital, pour les remplacer par sa domination directe. Elle généralise en même temps la lutte directe engagée contre cette domination[1]

3. Déplacement de l’action du prolétariat vers la revendication révolutionnaire totale. Le prolétariat se développe en tant que classe dans la première phase historique, celle de l’appui à l’élimination des dernières entraves féodales à l’épanouissement du régime bourgeois. Cette phase se situe à l’époque qui est approximativement celle des recherches de Marx sur les différents pays d’Europe. Ainsi, dans sa lutte pour éliminer les aspects les plus féroces et les plus négriers du régime de fabrique, et au milieu des plus sinistres incertitudes sur son propre sort dans l’économie en vigueur, le prolétariat se rend compte que le capitalisme ne fait que perpétuer l’esclavage sous un autre masque, et que celui-ci ne peut être supprimé que par le renversement du pouvoir armé bourgeois. Bornons-nous à un texte classique: la «Critique du programme de Gotha». Marx y fustige sans pitié l’erreur lassallienne selon laquelle le capitalisme ne domine et n’opprime les salariés que dans la mesure où il empêche leurs salaires de dépasser une certaine limite (c’est la fameuse «loi d’airain» des salaires). Quarante ans après, Marx répète ce qu’il a écrit dans le «Manifeste», et critique sévèrement les chefs de parti qui renient une thèse dont les ouvriers allemands sont convaincus depuis des années et des années, à savoir: que le salaire soit bas ou élevé, le salariat est un régime d’oppression et par conséquent, même si le système était susceptible de s’améliorer indéfiniment, nous revendiquerions tout autant sa destruction radicale:

«Le système du travail salarié est […] un système d’esclavage d’autant plus dur que se développent les forces sociales productives du travail, quel que soit le salaire, bon ou mauvais, que reçoit l’ouvrier. Et maintenant que cette vue pénètre de plus en plus notre Parti, on en revient aux dogmes de Lassalle […]. C’est comme si, dans une révolte d’esclaves qui auraient enfin pénétré le secret de l’esclavage, un esclave empêtré dans des conceptions surannées inscrivait au programme de la révolte: l’esclavage doit être aboli parce que, dans le système de l’esclavage, l’entretien des esclaves ne saurait dépasser un certain maximum peu élevé[2]

Nous n’irons pas plus loin dans la citation et le commentaire. Nous sommes là au cœur même du marxisme radical, du seul marxisme. Nous admettons, nous trouvons même utile que les réformes bourgeoises prouvent que dans les limites du capitalisme, il est possible – à condition d’avoir renié trois fois avant que le coq n’ait chanté la science bourgeoise -d’accorder des améliorations aux ouvriers. Ceux-ci comprendront que le capitalisme, même dans sa version améliorée et progressiste, reste leur ennemi, et ils lutteront pour l’abattre à la base et le renverser par la révolution. C’est là le sens historique et dialectique de l’antagonisme de classe qui couvre, de façon unitaire, cent nations dans l’espace, un siècle d’histoire dans le temps. Un antagonisme qu’aucune rallonge au bulletin de paie ne pourra jamais supprimer. car même lorsqu’il est substantiel, ce dernier n’est jamais que l’équivalent de la marque au fer rouge imprimée dans la chair de l’esclave.

Aujourd’hui

Aucun des programmes réformistes – qui sont, comme chacun sait, minimum, immédiats, concrets, législatifs, techniques, pratiques, réalistes, etc., – mis au point depuis lors jusqu’à aujourd’hui à l’usage du prolétariat dans tous les pays plus ou moins développés du monde, n’échappe à la «double superstition» que Marx décela dans le fatras informe d’aspirations et de requêtes qu’il passa au crible de sa célèbre «Critique». La première superstition, c’est… le stalinisme, la seconde le démocratisme:

«Tout le programme, en dépit de tout son drelin-drelin démocratique [Marx l’a défini plus haut comme «la vieille litanie démocratique…: suffrage universel, législation directe, droit du peuple, milice populaire, etc., – toutes choses qui sont «simplement l’écho du Parti populaire bourgeois, de la Ligue de la paix et de la liberté» – prenez-en de la graine, populistes, progressistes, maoïstes et autres pétitionnistes d’aujourd’hui!] est d’un bout à l’autre infecté [sic] par la servile croyance de la secte lassallienne à l’État, ou, ce qui ne vaut pas mieux, par la croyance au miracle démocratique, ou plutôt c’est un compromis entre ces deux sortes de foi au miracle, également éloignées du socialisme»[3].

Le réformisme, qui n’est solidement enraciné dans la réalité que sur un seul terrain, celui de la trahison, passe depuis un siècle de l’une à l’autre de ces deux superstitions et il est à l’origine des deux plus redoutables infections du mouvement ouvrier: l’une qui place l’émancipation des ouvriers au bout de la voie des libertés populaires, l’autre qui la situe au bout de la voie de l’économie étatisée.

Ces deux voies qui sont celles de la manœuvre sociale et politiqué utilisée par la bourgeoisie, d’abord pour permettre au capitalisme de s’instaurer, puis pour lui éviter de s’effondrer, sont toutes deux ruineuses pour le mouvement prolétarien, et de plus en opposition historique directe entre elles. Ni Marx ni Lénine ne disent qu’une fois bien posés les points de programme et de théorie – rappelons le cri indigné de Marx pour le Congrès de Gotha, et d’Engels pour le Congrès d’Erfurt: «surtout ne faites pas commerce des principes!» – il est indifférent aux marxistes et à la classe ouvrière, à des étapes historiques données, que se réalisent certaines réformés bourgeoises, et que par exemple l’État – l’idole des opportunistes allemands – se libère des survivances féodales qui le caractérisent encore à l’époque du congrès de Gotha. Il fallait au contraire opposer à l’Empiré des Hohenzollern et de Bismarck la république démocratique, non parce que c’est là la forme de l’État ouvrier ou la forme politique qui verra la réalisation du socialisme, mais parce que
«c’est précisément sous cette dernière forme étatique que se livrera la suprême bataille entre les classes»[4].

Pris entre la croyance utopique selon laquelle on peut libérer les forces locales du contrôle de l’État de façon constitutionnelle et non en le brisant, et la superstition de la prise en main par ce même État et par les administrations publiques du contrôle et de la gestion économique, l’opportunisme social-démocrate déboucha d’abord sur l’alliance avec les impérialismes; il ne voulut pas voir que la guerre et son organisation impliquent la suspension de tout contrôle des fameuses «bases» sur les centres de décision et de toute «liberté», et fait apparaître on ne peut plus clairement le caractère de dictature bourgeoise de l’État «moderne». La critique de la IIIe Internationale bolchevique s’abattit comme un cyclone sur ce système mondial de trahison.

Le réformisme fut tout aussi incapable de comprendre la direction que prennent l’économie et la politique à l’époque des guerres impérialistes. Le pendant politique du monopole opposé à la libre concurrence, du contrôle, du dirigisme, de la planification étatique de l’économie, de la gestion de certaines entreprises par l’État, ce fut et ce ne pouvait être que le totalitarisme, c’est-à-dire l’apparition sans voiles, en fonction du moment et des pays, de la dictature bourgeoise, qui avait déjà parfaitement joué son rôle sous sa forme parlementaire, surtout là où s’esquissait l’orientation révolutionnaire de la lutte de classe. Une fois éliminées, à la fin du siècle dernier, les survivances féodales – sauf en Russie – une fois affirmée dans le monde la «domination directe du capital», une fois posée l’alternative que Lénine vit en 1919: direction bourgeoise ou direction prolétarienne de l’économie mondiale, une fois avortées dans les pays européens autres que la Russie les tentatives de conquête révolutionnaire du pouvoir par la classe ouvrière, le réformisme ne sut pas se reconnaître dans les seules tentatives d’organisation bourgeoise qui contiennent ses revendications classiques, c’est-à-dire les fascismes et les nazismes, ni dans les manifestations éloquentes des mêmes tendances qui se manifestaient dans de nombreux autres pays derrière la façade intacte des institutions libérales.

Le réformisme italien, qui avait indéniablement des précédents en tant qu’administration d’une jeune bourgeoisie, et en tant que courant prolétarien de la revue «Critica Sociale» où pendant tant d’années le marxisme fut, sinon correctement appliqué, du moins correctement exposé, qui avait même résisté à la mobilisation superstitieuse en faveur de la guerre contre l’Autriche, mourut sans gloire dans le grand bloc antifasciste. Il lança au fascisme tous les anathèmes idéologiques, cria aux libertés et aux garanties bourgeoises violées, sans voir que le fascisme était son héritier dans la mesure où il est la formé suprême de la combinaison anti-révolutionnaire de deux éléments: l’économie capitaliste, et la mise en œuvre dans les limites de cette économie et dans le but de la défendre, de mesures d’amélioration de la condition ouvrière.

Ayant abandonné le monopartisme, c’est-à-dire la seule chose qui rende possibles aujourd’hui des succès administratifs, le réformisme antifasciste actuel – et il y a à l’heure actuelle en Italie sept ou huit partis réformistes – marche mollement et en faisant piètre figure sur les traces des innovations fascistes en matière de législation économique.

Les différents concurrents savent bien que les cinq ou six «grandes réformes» qu’ils ont à leur programme exigent énormément de moyens et beaucoup de temps. Comment concilier cette exigence avec la comédie de la politique parlementaire si un des principaux groupes d’adversaires n’est pas mis hors jeu? C’est vraiment de ce qu’on appelle aujourd’hui avec horreur un «régime» que la pratique réformiste a besoin. Avec un seul parti à la tête de l’administration, les idioties, les gaspillages, les spéculations illicites, les combines affairistes peuvent, tout en restant le but essentiel des chefs bourgeois de type moderne, être ramenés à un minimum.

Parmi les «experts» du réformisme postfasciste bien peu ont la tête sur les épaules, et encore plus rares sont ceux qui disent quelque chose, de vrai, dans la – faible – mesure où ils ne cherchent pas à devenir ministres ou… cardinaux. Par exemple, au congrès de Naples du PSLI[5] Tremelloni a déclaré dans un discours notable qu’on pourrait améliorer d’un tiers le niveau de vie du travailleur italien à condition de «mettre un frein à la cupidité» des industriels… Avec l’administration actuelle, cela est impossible: il ne reste plus alors, n’est-ce pas, qu’à invoquer le plein emploi, l’émigration, la paix universelle et les investissements productifs des particuliers, de l’État, et du capital étranger. Tout cela est connu, mais au milieu des clameurs de ceux qui veulent «rogner les revenus» des fantomatiques «grands féodaux» – ce qui élèverait le niveau de vie des travailleurs d’à peu près un cinq-centième – cela fait plaisir d’entendre quelqu’un admettre que les pillages de l’affairisme capitaliste, où tout le monde se sert, les «noirs» aussi bien que les «rouges», pèsent mille fois plus lourd.

Quant à Don Sturzo[6] – c’était à lui que nous pensions en parlant des cardinaux – il reconnaît que le programme de réformes du nouveau gouvernement De Gasperi ne sera pas réalisé et qu’il s’agit là d’une concession inutile à la basse démagogie des oppositions sur la possibilité de prendre des mesures techniques radicales au niveau de l’économie italienne. Don Sturzo lui aussi donnerait la priorité à une réforme administrative: pour lui, avec la bureaucratie actuelle, pas de réformes sérieuses.

Mais voilà… La bureaucratie de l’État moderne n’est pas une armature de fer disciplinant et maîtrisant les pressions du capital. C’est une véritable passoire au travers de laquelle l’initiative affairiste se meut avec une liberté absolue.

Pour alléger cette bureaucratie, Tremelloni voudrait que l’on mette, à la place des hauts fonctionnaires, des hommes et des techniciens des affaires et de l’industrie. Comme si une telle bureaucratie ne devait pas être encore plus aux ordres de la spéculation nationale et étrangère pour qui le meilleur terrain est la guerre, la misère, les destructions et la tragi-comédie de la reconstruction, cette grande saturnale des «investissements» si souvent invoqués!

Mors, bien plus que les «experts» du monde officiel, n’est-ce pas nous les extrémistes qui sommes concrets, nous qui avons constaté depuis longtemps qu’il faut d’abord réduire en pièces la machine d’État pour pouvoir ensuite faire le reste?

Notes:
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  1. «Le Capital», Ed. Sociales, tome II, p. 178. [⤒]

  2. «Critique du programme de Gotha», Ed. Sociales, pp. 39–40. [⤒]

  3. «Critique du programme de Gotha», Ed. Sociales, pp. 44 et 47. [⤒]

  4. «Critique du programme de Gotha», Ed. Sociales, p. 45. Quelques lignes plus haut Marx rappelle encore une fois qu’«entre la société capitaliste et la société communiste se place la période de transformation révolutionnaire de celle-là en celle-ci. A quoi correspond une période de transition politique où l’État ne saurait être autre chose que la dictature révolutionnaire du prolétariat». [⤒]

  5. Il s’agit de la tendance ultra-réformiste ou «saragatienne» issue d’une scission du Parti Socialiste Italien. [⤒]

  6. Fondateur de la démocratie-chrétienne, dont De Gasperi a longtemps été le leader. [⤒]


Source: «Programme Communiste», N° 64, Octobre 1974, p.62–69 (Traduit de «Battaglia Comunista», n.4, 1950)

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