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LA SEULE LUTTE CONTRE LE FASCISME C’EST LA LUTTE POUR LA RÉVOLUTION PROLETARIENNE


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La seule lutte contre le fascisme c’est la lutte pour la révolution prolétarienne
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En Allemagne comme partout

La seule lutte contre le fascisme c’est la lutte pour la révolution prolétarienne

La recrudescence du nazisme en Allemagne s’accompagne bien entendu d’une recrudescence de l’anti-nazisme. A ce propos notre bulletin en allemand (« Internationale Revolution », N. 3) a publié l’article ci-dessous.

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De nouveau résonne en Allemagne le cri de guerre du Chevalier de la Démocratie qui s’élance contre le Dragon Fasciste. Tous les « vrais démocrates » – et qui n’en est pas ? – les amis de la paix et les maoïstes, le SDS (étudiants gauchistes) et le DKP (PC allemand) « ressuscité », tous appellent à la guerre sainte contre la renaissance du nazisme. A peine 25 ans après la deuxième guerre mondiale, après la prétendue victoire définitive de la démocratie sur le fascisme, nous nous retrouvons Gros-Jean comme devant.

A ne regarder les choses que superficiellement on serait enclin à plaindre ce pauvre Saint Georges : il a beau couper au dragon une tête après l’autre, il en pousse toujours de nouvelles; à croire que le diable s’en est mêlé ! Et de fait, toutes les tentatives des démocrates pour expliquer le fascisme, se réduisent à des exorcismes : vade retro satanas ! Que ceux qui croient au Démon du Mal se contentent de telles explications et braquent, eux aussi, leur stylobille contre lui. Pour notre part nous voulons expliquer ici brièvement les thèses marxistes suivantes :

• Le fascisme n’est pas une « rechute » dans des formes prédémocratiques ni une « folie », mais une tendance nécessaire de la société capitaliste.
• Par conséquent il n’existe pas de lutte contre le fascisme en dehors de la lutte pour la destruction du capitalisme par la révolution et la dictature du prolétariat.
• Car tout appel à défendre la démocratie, toute tentative de combattre le fascisme au nom de la démocratie, toute alliance du prolétariat avec des partis et des classes « démocratiques », conduit à la destruction du mouvement prolétarien et ouvre la voie au fascisme.

Ces thèses, nous ne les avons pas découvertes aujourd’hui. La gauche marxiste qui dirigeait au début des années vingt le Parti Communiste d’Italie, et s’est battu ensuite contre la dégénérescence de l’Internationale Communiste, les a posées dès la première apparition du fascisme, et l’expérience d’un demi-siècle n’a fait que les confirmer.

Pour le démocrate, la marque distinctive du fascisme c’est qu’il exerce ouvertement une violence « illégale » et abolit les droits et libertés démocratiques. Et le démocrate de se lamenter désespérément. Pour nous, non seulement il n’y a pas là de quoi pleurer, mais cet aspect ne suffit nullement à caractériser le fascisme. Nous avons toujours nié que la lutte des classes puisse être réglementée (comme un match de football) par une « légalité » placée au-dessus d’elle. Nous avons toujours affirmé que le prolétariat ne peut pas conquérir « démocratiquement » le pouvoir; que la constitution la plus démocratique protège les rapports capitalistes de production.; que la démocratie n’est qu’une dictature masquée de la bourgeoisie, quand elle ne s’applique pas -et combien de fois ne l’a-t-elle fait – à noyer dans le sang le mouvement ouvrier. Refuser la violence, en appeler à la Légalité et à la Démocratie, c’est renoncer une fois pour toutes à la révolution ! Nous nous réjouissons au contraire quand la bourgeoisie est obligée d’ôter le gant de velours de la démocratie et de montrer son poing de fer aux ouvriers, leur prouvant par-là qu’il n’existe pas de Droit au-dessus des classes, que le droit reflète simplement le rapport de force entre les classes.

Pour nous, la caractéristique du fascisme est tout autre. Nous y avons reconnu la double tentative, premièrement de surmonter les oppositions au sein même de la bourgeoisie, et deuxièmement d’enlever toute indépendance au mouvement ouvrier.

La démocratie était la forme politique qui permettait aux intérêts des diverses couches bourgeoises de s’exprimer et de se défendre. A l’époque de l’extension dite « pacifique » du capitalisme au monde entier (de 1870 à 1900 et quelques) cette forme pouvait prédominer dans les États bourgeois puissants; à cette époque la bourgeoisie pouvait aussi tolérer un mouvement ouvrier indépendant, par-ce qu’elle était à même de satisfaire quelques exigences immédiates des ouvriers. Elle avait même la possibilité de corrompre les ouvriers par des concessions économiques, de les détourner de la lutte révolutionnaire et de convertir leurs organisations au réformisme.

A l’époque de l’impérialisme, les choses deviennent plus difficiles. L’impérialisme pousse non seulement à la concentration du capital, mais aussi à l’exaspération de toutes les contradictions de la société capitaliste. La bourgeoisie doit tenter de maîtriser ces contradictions. Cela signifie que les intérêts du capitaliste « individuel », ceux de l’entreprise ou de telle couche, doivent s’incliner devant l’intérêt général du capital national (et parfois international). Représentant et gérant de cet intérêt général, l’État doit se centraliser toujours davantage, et même le pouvoir législatif ne peut plus être confié au libre débat des porte-parole parlementaires des divers intérêts bourgeois, mais tombe presque directement aux mains des agents du grand capital qui est contraint « d’administrer » l’ensemble du capital.

De même, la bourgeoisie ne peut plus tolérer un mouvement ouvrier autonome. Cela ne signifie nullement qu’elle ne to-1ère aucune organisation ouvrière (comme dans sa phase révolutionnaire), mais qu’elle essaye d’enlever à ces organisations tout caractère politique de classe, de les transformer en unions corporatives et de les intégrer dans l’administration étatique.

Bref, la bourgeoisie essaye d’empêcher la lutte entre les classes, d’organiser unitairement sa société et de « l’administrer » soi-disant dans « l’intérêt de tous ». Bien entendu, cette tentative est vouée à l’échec, ou plus exactement, elle ne peut réussir que pour un temps. Car le « libre jeu » des lois de la production capitaliste, qui progresse alors d’après des critères (apparemment !) exclusivement « techniques », re-produit les contradictions du capitalisme à une échelle encore plus grande et conduit inévitablement à de nouvelles crises de la société. C’est pour cet-te raison d’ailleurs que le fascisme est d’emblée nationaliste et guerrier : la bourgeoisie ne peut résoudre les crises que par la guerre, pour recommencer ensuite un nouveau cycle.

Il est tout à fait évident que cette tendance nécessaire et générale du capitalisme ne se réalise pas de façon rectiligne et uniforme, mais que les formes et la rapidité de ce développement sont déterminées par les conditions particulières de tel ou tel pays. Après la première guerre impérialiste, elle s’est montrée d’abord dans les pays capitalistes les plus faibles, l’Italie puis l’Allemagne. Dans ces pays, la bourgeoisie avait bien réussi, grâce à la social démocratie, à repousser le premier assaut révolutionnaire; mais, d’une part le prolétariat restait encore menaçant, et d’autre part ces bourgeoisies avaient les plus grandes difficultés à remettre leur économie en marche. C’est là qu’est apparue d’abord la nécessité d’unifier toutes les classes et couches bourgeoises, tant contre le prolétariat que pour organiser l’économie capitaliste. Une des bourgeoisies les plus faibles, celle d’Italie, a montré le chemin aux autres. C’est aussi en Italie, beaucoup plus qu’en Allemagne, que le fascisme a usé le plus de la violence nue, parce que le mouvement prolétarien était encore puissant et ne pouvait être brisé que par la force, alors qu’en 33 il était déjà en pleine décomposition.

Ce fut une grande erreur de l’Internationale Communiste de qualifier le fascisme de « réactionnaire ». Bien sûr qu’il était réactionnaire, mais seulement par rapport à la révolution prolétarienne : c’était la forme achevée de la contre-révolution bourgeoise et en même temps le progrès bourgeois. Cela est apparu de la façon la plus claire après la deuxième guerre impérialiste : les nations « démocratiques » ont vaincu les nations « fascistes », mais le fascisme a vaincu la démocratie et. plus ou moins vite, tous les pays se sont fascisés. Nous avions prévu cette évolution et ne nous laissons pas troubler par les formes « pacifiques » de cette fascisation : en 1922–24 en Italie, il fallait des combats de rue (où participaient les forces « régulières » de l’État et parfois l’artillerie de marine) pour briser la force des ouvriers; en Allemagne, après 33, il fallait encore la terreur policière et les camps de concentration pour les intimider et les soumettre; mais après 36, l’I.C. était déjà tellement pourrie que le parti « communiste » français s’est chargé lui-même de soumettre les ouvriers à l’intérêt de la Patrie et de les préparer pour l’Union Sacrée; ne parlons pas de l’Angleterre et des États-Unis. Pourquoi diable la bourgeoisie taperait-elle sur des ouvriers qui adhèrent volontairement àses intérêts ?

Le degré de violence ouverte ne dépend que de la capacité de résistance des ouvriers; ce qui nous intéresse davantage ici, c’est le contenu du fascisme, et après la guerre il s’est révélé clairement partout : concentration du capital et en même temps du pouvoir politique, et intégration des prolétaires dans le « peuple », dans l’unité nationale. Un fait caractéristique est que l’évolution des syndicats (en France, par exemple) tend à les faire ressembler toujours plus aux « syndicats » selon Mussolini : des syndicats qui admettent le mode de production capitaliste comme donné une fois pour toutes, défendent les intérêts de l’entreprise et de la nation et, dans le meilleur des cas, se bornent à défendre les intérêts particuliers de leurs catégories en tant que « participants » à la production de l’usine et de la nation.

Mais il n’y a pas que les prolétaires qui sont opprimés par le capital, les classes moyennes souffrent elles aussi du totalitarisme du grand capital. Dans l’après guerre cette pression était encore faible, parce que la reconstruction générale fournissait des débouchés pour tous les produits. Mais avec les premiers signes de la future saturation du marché mondial, avec les ébranlements qui annoncent la crise, la concurrence internationale s’exaspère et chaque nation est contrainte de « rationaliser » sa production, d’abaisser les prix de revient, et ceci non seulement sur le dos du prolétariat mais aussi des petits-bourgeois et des petits capitalistes. L’exemple de la France est particulièrement typique : l’ancien capitalisme « usurier » est obligé de se moderniser et, par exemple, devait éliminer quelque 800 000 personnes de l’agriculture; de même il mène une grande offensive contre le petit commerce (voir les grèves et manifestations de boutiquiers) et l’État favorise ouvertement la concentration industrielle pour rendre la production française concurrentielle. Cette « modernisation » suscite naturellement la résistance des petits-bourgeois, résistance d’autant plus forte qu’aucune offensive prolétarienne ne menace les bases du capitalisme. L’histoire du Gaullisme, qui n’a atteint ses objectifs que partiellement, montre à quel point la bourgeoisie a du mal à réaliser son unité en l’absence d’une lutte de classe aiguë.

En Allemagne, après la liquidation de tout mouvement ouvrier, l’écrasement militaire et les dévastations de la guerre ont permis à la bourgeoisie d’atteindre « pacifiquement » et « démocratiquement » cette unité : toutes les classes se soumirent aux exigences de la reconstruction du capitalisme allemand. Mais les miracles capitalistes ne durent pas. Renfloué avec du capital américain, engraissé par l’exploitation paisible des ouvriers qu’il attirait de partout, le capitalisme allemand (que dès 1916 Lénine citait comme un modèle de concentration) est aujourd’hui déjà si gras qu’il étouffe dans ses frontières, et ce d’autant plus que la concurrence internationale tend à les rétrécir. (Une des raisons de l’occupation de la Tchécoslovaquie par les Russes en Août 68 fut précisément la nécessité d’interdire ce terrain de chasse au capital allemand.) Ainsi, comme c’est dans l’ordre, non pas des « choses » mais de l’économie bourgeoise, l’expansion capitaliste conduit à la crise capitaliste qui met un terme à la paix sociale et à la paix internationale. Les classes entrent à nouveau en effervescence et les nations commencent à se cogner : le fascisme « pacifique », le « miracle démocratique » a fait son temps et son fils légitime, le fascisme brutal et belliqueux, montre déjà le bout du nez. Le NPD (parti néonazi) par exemple, est à la fois une expression de la force d’expansion objective du capital allemand, et une tentative de surmonter la crise et les conflits sociaux en vue.

D’après ce qui précède, il est évident que cela ne rime à rien de « déplorer » cette évolution. Des constatations du genre :
« La conduite et les propos des dirigeants et orateurs du NPD… ont prouvé que dans ce parti règne une mentalité (!!!) militariste, national-socialiste et en général non-démocratique. » (7e Congrès national de la DGB, la confédération syndicale)

Des affirmations comme :
« Il faut empêcher que s’amorce encore une fois en Allemagne une évolution qui a conduit aux catastrophes de 1918 et 1945. » (Le président de la DGB de Württemberg-Baden)
sont aussi inopérantes aujourd’hui qu’elles l’ont été hier. Leur seul résultat effectif c’est d’entretenir l’illusion que les hommes pourraient « choisir librement » entre la démocratie et le fascisme, entre l’exploitation pacifique et l’exploitation brutale, ou entre la paix et la guerre. Derrière toutes ces phrases se cache le vieux rêve misérable des petits bourgeois, formulé de façon si naïve par le mouvement allemand pour la paix, la DFU [« Deutsche Friedensunion »] (« Dans une Allemagne pacifique et démocratique tous les citoyens peuvent vivre à leur aise et satisfaits des fruits de notre paisible travail »), le rêve de la coexistence pacifique des classes et des États, le rêve d’un capitalisme sans contradictions.

Mais il ne s’agit pas seulement ici d’un rêve infantile. Cette idéologie c’est de l’opium qu’on administre au prolétariat, avec autant plus de hâte et d’insistance, que la rude réalité menace de lui ouvrir les yeux et de lui rendre ses positions de classe de nouveau accessibles.

On ne peut pas « choisir » entre démocratie et fascisme (c’est à dire entre dictature voilée et dictature ouverte du capital), ni entre paix et guerre. Tant qu’il survit, le capitalisme suit son chemin, avec ses cycles d’orgie productive et d’orgie destructive, buvant tantôt la sueur, tantôt le sang des prolétaires. La véritable alternative devant laquelle se trouve l’humanité est : dictature du capital ou dictature du prolétariat. Seule la révolution communiste, la destruction de l’État bourgeois et la dictature du prolétariat peut briser le joug du capital, faire voler en éclats les lois de son économie et délivrer l’humanité de ses souffrances « préhistoriques ».

Nous ne nous montons pas la tête et nous ne racontons pas de boniments aux ouvriers : nous savons que la révolution communiste n’est pas pour demain matin. Non pas que les prolétaires n’auraient pas la force de la faire ! Mais parce que cette révolution n’est possible que s’ils possèdent leur conscience de classe et leur organisation de classe. Celles-ci ont été détruites par la contre-révolution, et pas tant à coups de matraques et de fusils que, justement, par l’idéologie démocratique. L’ennemi qui se présente ouvertement comme tel est beaucoup plus facile à combattre que le démocrate sournois qui dilue la claire conscience des antagonismes de classe dans l’unité du peuple; que le petit-bourgeois libéral qui demande au prolétariat de s unir à lui contre le grand capital et s’applique en même temps à miner toute politique prolétarienne de classe pour finalement, puisqu’ « il n’y a pas moyen de faire autrement », se convertir au fascisme. Le résultat de la fausse tactique de l’I.C. a confirmé notre position : ces « amis »-là sont les plus dangereux.

La véritable lutte contre le fascisme c’est la lutte pour la reconstitution du mouvement de classe du prolétariat, avec son programme de classe et son organisation de classe, le parti communiste. Certains trouvent que cela demandera trop de temps : le fascisme est là, disent-ils, unissons vite toutes les « bonnes volontés » contre lui. Ces gens-là ne sont, en réalité, que des défenseurs du Capitalisme.

La défense obstinée des positions communistes; la réintroduction patiente de ces positions dans la classe ouvrière; la liaison établie quotidiennement entre les luttes partielles et l’objectif historique du prolétariat; la lutte acharnée contre le démocratisme et le pacifisme, voilà les conditions fondamentales du réveil de classe du prolétariat. Cela prendra le temps que cela prendra, mais c est la voie la plus courte, la seule ! Aujourd’hui, une lutte « pour la démocratie » n’a aucune valeur. Cette lutte avait un sens lorsqu’il s’agissait de briser par la démocratie des rapports et des structures pré-capitalistes. Mais maintenant il s agit de briser le capitalisme : cela, seule la dictature du prolétariat peut le faire !


Source : « Le Prolétaire », Octobre 1969, N° 69

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