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SOLUTIONS CLASSIQUES DE LA DOCTRINE HISTORIQUE MARXISTE EN RÉPONSE AUX VICISSITUDES DE LA MISÉRABLE ACTUALITÉ BOURGEOISE (II)


Content :

Solutions classiques de la doctrine historique marxiste en réponse aux vicissitudes de la misérable actualité bourgeoise (II)
Deuxième séance :
Questions fondamentales de l’économie marxiste
Les métamorphoses
Bourgeois, on tourne !
Le second stade
Le troisième stade
Les trois figures
Immédiatistes et staliniens
L’erreur du socialisme d’entreprise
Distribution des figures de Marx
L’infernale accumulation
Le démon du capital industriel
Grand raccourci historique
Liquidation de l’économie académique
Les modes de production plus anciens
Le tournant le plus récent
La question de l’accumulation
Théorie des crises
Anarchie de la production
Notes
Source


Reunion de Milan – Octobre 1959[1]

Solutions classiques de la doctrine historique marxiste en réponse aux vicissitudes de la misérable actualité bourgeoise

Deuxième séance : Questions fondamentales de l’économie marxiste
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Comme chacun sait, les formules que donne Marx dans le Livre I du « Capital » ont déjà été distribuées sous forme polycopiée; il en sera bientôt de même pour celles du début du Livre II. Un exposé préliminaire en a été fait à la réunion de Parme[2] où on a cherché à accorder le symbolisme au système de notation adopté dans la première partie des « Éléments d’économie marxiste » (publiés dans « Prometeo », série du second après-guerre, puis dans « Programme communiste »).

Dans ces colonnes, nous n’allons pas reproduire la partie algébrique dont nous avons traité à la réunion, mais il nous paraît utile d’exposer à nouveau quelques uns des concepts fondamentaux sur lesquels s’est arrêté le rapporteur, ceux-ci étant très utiles pour introduire au traitement des questions concernant l’accumulation du capital.

Dans le livre I, on sait que Marx traite du « procès de production du capital ». Le thème n’en est donc pas la production de marchandises ou de biens de consommation étudiée dans son fonctionnement propre à l’époque historique du capitalisme manufacturier et industriel. Un tel intitulé laisserait supposer que la société bourgeoise aurait pour moteur ou finalité la satisfaction des besoins humains et, pour ce faire, aurait construit une certaine machinerie sociale de production. Ceci serait aussi naïf et insuffisant qu’invalidé pour cause d’influence des fausses doctrines des apologistes du capital que l’œuvre entière de Marx a pour effet de démolir.

Pour affirmer que le moteur du mécanisme social de classe propre à la bourgeoisie est la production de capital et non de marchandises, Marx choisit rigoureusement son titre qui aurait bien pu être : procès de production de survaleur[3] dans la forme capitaliste. Dans ces préliminaires si fondamentaux est déjà contenue la thèse suivante : pour produire des objets visant à la satisfaction des besoins humains, il ne doit plus être nécessaire de produire du capital, de la survaleur ni de la « valeur » tout court, c’est-à-dire des « marchandises ». Nous avons là, déjà, les bases des proclamations qui, aujourd’hui, si longtemps après la rédaction de ces pages, sont au centre de la lutte que nous menons : on ne sort de l’économie bourgeoise-capitaliste qu’en sortant de l’économie marchande. Tout le cours immense de l’économie russe, de la guerre civile à nos jours, sur une période de plus de trente ans, n’est qu’un cycle historique initial de production de capital et de survaleur où il n’y a pas une miette de socialisme.

Le Livre II du « Capital » traite du « procès de circulation du capital »; à nouveau il n’est donc pas question de « circulation des marchandises dans la forme historique capitaliste ». Quatre-vingt-dix neuf pour cent des modernisateurs de Marx n’ont pas saisi que depuis quatre-vingts ans nous sommes à jamais sortis, en sautant le pas de manière aussi révolutionnaire qu’historiquement irréversible, de la vaine opposition sur laquelle sont édifiées les doctrines économiques bourgeoises qui traitent de la production et de la circulation comme de domaines séparés.

Aux yeux du bourgeois, du philistin académique et du traître au marxisme – hier révisionniste, aujourd’hui « enrichisseur » – le capital est sujet actif dans la production et la marchandise objet passif, tandis que dans la circulation les marchandises forniquent entre elles dans tous les azimuts suivant la loi de l’échange d’équivalents; pour nous marxistes révolutionnaires, marché et capital sont des monstres à exterminer. Où survit le premier prospère le second, abject hermaphrodite, passif et actif, s’engendrant sans cesse lui-même à partir de lui-même, en un procès obscène.

Les métamorphoses

La Première Section du Livre II a pour titre : « Les métamorphoses du capital et leur mouvement circulatoire »[4]. Bien sûr, les répugnants « savants » modernes ont souvent raillé cette théorie des métamorphoses comme s’il s’agissait de l’impulsion littéraire d’un rhéteur qui s’inspirerait de poètes rivalisant d’art magique, d’Ovide à Virgile et à Dante. Mais il s’agit ici de science véritable, sans entraves serviles, propre à gagner la classe opprimée et à en devenir l’arme assurément diabolique aux yeux des conformistes de toute couleur. Pour le commun des mortels, témoins de cette ère qui puait autant alors qu’aujourd’hui, le capital revêt, dans la vie pratique et dans le langage courant, diverses figures et formes qu’il abandonne rapidement, passant de l’une à l’autre comme les nymphes du mythe et les damnés protéiformes de l’Enfer. Quelle forme le caractérise sur le plan historique, dans quel état métamorphique peut-on affirmer qu’il est né ? La question est importante dans notre science économique originale parce que c’est la forme dont nous pouvons lire le développement, la forme sous laquelle notre praxis révolutionnaire devra le trouver afin de le détruire; depuis lors, c’est le changement et non l’explication du monde que nous, les premiers et les seuls, nous poursuivons.

Les figures essentielles sont au nombre de trois. Deux tombent sous les sens : la monnaie et les marchandises amassées. On nomme capitaliste le possesseur d’une somme monétaire ou bien encore de stocks, de réserves de marchandises susceptibles, à tout moment, de se convertir en monnaie sur le marché. Mais ces deux formes ne suffisent pas à caractériser le capitalisme moderne et une circulation qui se limiterait à elles, les transformant l’une en l’autre, ne pourrait engendrer les phénomènes du Livre I : la production de capital, autrement dit de survaleur. La métamorphose devient ternaire et la troisième figure n’a rien d’abstrait puisqu’il suffit, pour en faire saisir le sens concret à l’homme moyen, de lui montrer une usine avec ouvriers et marchandises qui y entrent et en sortent.

Cette troisième forme, Marx la nomme procès de production et le même langage commun découvre le capitaliste quand il désigne non plus le thésauriseur dans son antre ou le commerçant dans son riche magasin mais le seigneur de la fabrique, du bagne pour ouvriers, le romantique Maître de Forges.

Ces trois figures – que nos petites formules désignaient par A, l’argent, M, la marchandise et P, le procès de production – apparaissent à tour de rôle sur l’écran et se fondent l’une dans l’autre comme par un sortilège. Mais la métamorphose est continue, cyclique comme le disent messieurs les savants à la manque. M, P, A, P, A, M …, on peut aller à l’infini. Marx observe très simplement qu’il n’est écrit nulle part qu’en guise de « première séquence » du film qu’il tourne on doive « attaquer » par M. Rien n’empêche d’attaquer par A ou par P et il y a donc trois possibilités de « projeter » le procès de circulation. Ceci peut avoir l’air d’un pâle exercice formel, mais tout le monde aura vite compris que le dénouement est tout simplement infernal; dans les décennies suivantes, professeurs stipendiés et démagogues vendus se consacreront à dissiper les effets de l’exploration révolutionnaire de vérités si banales et terribles.

Puisque le texte à écrire n’était pas un misérable traité universitaire mais le drame vivant de l’histoire en train de se faire, il a fallu choisir, en présentant le Livre I, un personnage agissant : le capitaliste; mais il n’était pas question de trouver un coupable ni de résoudre l’affaire par son exécution. Il s’est agi dès le début de mettre en pleine lumière tout autre chose que des commérages sur les responsabilités individuelles; et après avoir engagé cet acteur, on s’excusa auprès de lui de ne pas le maquiller en couleur chair.

Dans le scénario initial comme dans les formules de notre Abaque didactique, on commence par ce monsieur qui est là en qualité de détenteur d’argent. Pour Marx, le « premier acte » du capitaliste est donc celui de disposer de monnaie. Mais nous ne sommes pas métaphysiciens et il n’y a plus de motifs de créer des mythes; il ne s’agit plus d’écrire : « au commencement était l’argent », mais d’en retracer fidèlement le cycle. Il s’agira ensuite de saisir cet anneau qui résume la raison d’être du capitaliste, laquelle devra devenir la raison historique de sa mort.

Bourgeois, on tourne !

Le schéma est connu. Le premier acte est de nature mercantile en ce sens que le capitaliste achète des marchandises moyennant une certaine somme d’argent. Mais il s’agit de deux stocks bien distincts de marchandises que, dans le Livre I, nous avons notoirement différenciés en capital constant et capital variable, les c et v des premières formules que nous n’avons pas à réécrire aujourd’hui et que Marx, se proposant d’étudier la circulation, symbolise diversement en les désignant par les termes équivalents de moyens de production et forces de travail. C’est tout pour les actes se déroulant sur le marché et jusque là, c’est bien connu, personne n’a été … roulé. Le travailleur quant à lui, n’a pas touché, même par anticipation, sa part v ou salaire. Les comptes se feront après, à la fin du second acte. Jusqu’à présent et, du reste, jamais, aucune violation de la loi d’échange entre valeurs équivalentes n’a eu lieu.

En arrivant au second acte – le fonctionnement du capital productif –, le capitaliste, ou la diabolique force impersonnelle agissant par son intermédiaire, consomme ce qu’il a acheté, à savoir les moyens de production et la force de travail. Le drame a été représenté et raconté des millions de fois et nous courons le risque de passer pour d’inutiles casse-pieds, mais ce n’est pas ce qui nous désarmera.

Aucune des phases saillantes du drame en train de se dérouler n’aurait été possible si l’acheteur n’avait trouvé « séparés » les deux genres de marchandises dont il avait besoin, à savoir les moyens de production d’une part, la force de travail des ouvriers d’autre part. Marx dit que cette « partition » est une condition fondamentale et il en a décrit ailleurs le processus. Une partition fondamentale s’est donc produite entre les deux classes, mais nullement à l’occasion d’un acte de répartition des biens de consommation ou des « revenus » à l’échelle sociale. La question n’est pas, comme il semble aux naïfs et aux philistins, que la société-marâtre aurait mal distribué entre riches et pauvres, capitalistes et ouvriers, une masse ou un stock donné de marchandises et de numéraire constituant selon nos modernes savants en la matière le produit ou « revenu national ». Ceci serait une banale escroquerie, si sotte qu’elle ne pourrait se produire une seconde fois. Bien différent est le festin charognard du capitalisme, lequel se reproduit sans interruption et sans baisse de rythme.

Ce premier acte du procès de circulation « suppose des procès historiques qui ont dissous l’association primitive des moyens de production et de la force de travail et qui ont opposé la masse du peuple, les travailleurs, comme non-propriétaires, aux non-travailleurs, propriétaires de ces moyens de production. Peu importe qu’avant la dissolution de cette association l’ouvrier ait fait partie lui-même, comme simple moyen de production, de l’ensemble de ces moyens [esclavage et servage] ou qu’il en ait été propriétaire [société de paysans-artisans]. » Cet acte « repose donc sur la répartition, non point sur la répartition au sens ordinaire du mot, c’est-à-dire la répartition des moyens de consommation, mais la répartition des éléments mêmes de la production, dont les facteurs matériels sont concentrés d’un côté, tandis que la force de travail est isolée de l’autre côté. »[5]

Les moyens de production doivent donc déjà être devenus capital et ce premier acte du drame n’est pas véritablement le premier.

Quoi qu’il en soit, c’est au second acte que se produit la réaction des deux éléments déjà séparés et que s’effectue le procès productif. Deux corps ne peuvent « réagir » entre eux que s’ils ont été précédemment tenus à l’écart de tout contact : nous voilà en règle avec Madame la Science.

Le second stade

Dans le procès de circulation du capital, un second acte ou stade, le stade du procès productif au sens strict, succède au premier qui consiste en achat sur le marché, avec l’argent du capitaliste, des deux genres de marchandises, force de travail et moyens de production. Comme nous l’avons dit, Marx désigne synthétiquement ce second stade par la majuscule P précédée et suivie de points de suspension, soit …P…

Les deux éléments, le travail humain d’un côté, les matières premières et les instruments de l’autre, que l’histoire sociale passée a généralement séparés l’un de l’autre par la violence brutale, entrent donc en contact une fois aux mains du capitaliste, personnage diabolique ou sorcier, comme on voudra, à la manière de deux dangereux réactifs qui, entre les mains du chimiste, se combinent de manière véritablement explosive. A l’époque de Marx, il n’était pas question d’explosions nucléaires mais bien de réactions chimiques explosives (depuis celle de la marmite du moine Schwarz qui fut à l’origine de la découverte de la poudre à canon jusqu’à celles qui ont lieu dans la chambre des moteurs à explosion ou bien dans celle des moteurs de fusées sidérales entre l’oxygène liquide et les supercarburants) et il est tout à fait licite de définir la série des procès P de tout le drame, exposé par Marx, de la circulation du capital comme une réaction en chaîne. Cette infernale accumulation du capital, archi-débattue, nous l’appellerons donc, sans innover en rien par rapport à sa théorie classique : réaction en chaîne. Cette dernière libère une super-énergie; l’accumulation libère une survaleur.

Marx décrit ainsi cette réaction en chaîne : « Le mouvement circulatoire du capital productif a la forme générale P… M′ – A′ – M … P. Il signifie qu’il y a renouvellement périodique du fonctionnement du capital productif, donc reproduction; par rapport à la mise en valeur, le procès de production est procès de reproduction; il y a non pas production, mais reproduction périodique de plus-value; et la fonction du capital industriel sous sa forme productive n’est pas une fonction passagère, mais une fonction périodiquement renouvelée, le nouveau point de départ étant donné par le premier. »[6]

Ici, Marx propose déjà, par anticipation, la seconde formule, de P à P, comme étant la formule cruciale du capitalisme moderne, et non celles privilégiées par ce dernier : la première, de A à A (de l’argent à l’argent) ou la troisième, de marchandise à marchandise, de M à M. Ici se trouve en germe la divergence entre les économies traditionnelles (parmi lesquelles nous rangeons, en plus de celles connues de Marx, toutes les écoles officielles, universitaires et ultra-modernes qui ont suivi) et la nôtre, divergence révolutionnaire, anticipation explosive qui ne fut possible qu’une seule fois en plusieurs siècles :

« Tandis que dans la première forme AA[7], le procès de production, le fonctionnement de P, interrompt la circulation du capital-argent [et du capital-marchandise] et paraît uniquement l’intermédiaire entre les deux phases A – M et M – A », c’est l’inverse dans la forme P – P (pour l’instant, nous avons omis à dessein les lettres à accent A′, M′, P′ dont il sera question plus loin), « tout le procès de circulation du capital industriel, tout son mouvement dans la phase de circulation [marchandise – argent – marchandise, point décisif aux yeux de ces messieurs les professeurs d’économie], ne forme ici qu’une interruption et par suite la transition entre le capital productif qui constitue le premier terme du mouvement circulatoire et ce même capital productif qui constitue le dernier terme. La circulation proprement dite [celle obéissant sur le marché à la loi de la valeur idolâtrée par les staliniens et les keynésiens] apparaît simplement comme l’intermédiaire [passif, stérile] de la reproduction périodiquement renouvelée et rendue continue par le renouvellement. »[8]

Le troisième stade

Les stades ont été et sont exposés dans un ordre tel que le conçoivent les économistes vulgaires. Si le premier se déroule d’Argent à Marchandise (sous les deux formes que nous connaissons), le second est l’explosif procès P; le troisième a de commun avec le premier de se dérouler dans la sphère de la pure circulation, celle du marché dont messires les économistes sont les tenants tandis que ce qui nous importe, c’est la circulation du capital. Le troisième s’écrit M–A, mais l’effet de la déflagration survenue au second acte P est qu’on a affaire ici à M′ et A′, quantités équivalentes de marchandises et de monnaie mais nettement supérieures à celles de départ, soit le premier capital-argent avancé et la première marchandise à double face dont on a fait provision par son intermédiaire. Il est évident que M′, ce sont les produits vendus et A′, le gain qu’on en tire. La différence bien connue de nous est la survaleur « créée » lors de la déflagration …P…

Dès ce moment, Marx pose la distinction fondamentale entre la reproduction simple et la reproduction élargie ou accumulation telle qu’on l’observe dans l’histoire réelle des sociétés capitalistes.

La distinction est évidente et se réduit – en considérant, pour simplifier, une entreprise isolée – à l’usage qui sera fait de la survaleur, différence entre A′ et A, entre le prix A′ et les frais A. Si la survaleur, sous forme d’une fraction correspondante de A′ égale à A′ moins A, est soufflée par le capitaliste, le cycle typique A – M …P… M′ – A′ devra recommencer à l’identique. C’est la reproduction simple qui aura eu lieu.

Si au contraire la survaleur n’est consommée qu’en partie ou pas du tout par le capitaliste (comme Marx le suppose pour des motifs théoriques et comme l’histoire l’a réalisé en Russie en supprimant les patrons d’usine et en nous montrant ce que nous avions compris depuis si longtemps, à savoir que l’infamie véritable du capitalisme est plus visible quand les capitalistes-personnes font défaut), tout l’argent A′ devient alors capital productif industriel et réalise une nouvelle explosion en chaîne dans le cycle suivant, donnant naissance à M″ et A″, puis à M et A énièmes grâce aux rythmes de la pacifique et dégoûtante compétition-détente.

Cette distinction entre reproduction simple et reproduction élargie doit rester à la base de l’étude d’autres chapitres cruciaux du marxisme afin d’aider à comprendre l’aspect historique et non seulement économique de la question (dont le schéma purement économique fut indispensable, en tant que « modèle », à l’existence de notre doctrine). Mais nous estimons de loin plus importante, s’il nous est permis, la distinction que le découvreur du « secret » de la forme-capital a introduite par la méthode si simple consistant à étudier le cycle de la circulation (du capital, messieurs nos ennemis, celle des marchandises nous ne savons qu’en faire) non plus entre A et A ou entre M et M (ainsi que le faisaient, font et feront tous ces messieurs les « circulationnistes » tant que nous serons assez vils pour ne pas savoir les réfuter comme il faut : avec le bâillon et une volée de bois vert sur leurs crânes très cornus et, par la même occasion, leurs cervelles archi-cultivées et « trustifiées », ainsi que nous l’a enseigné Don Carlo[9]) mais entre P et P, c’est-à-dire en n’ayant en main au départ ni stock de marchandises ni fonds mais une machine infernale, non cotable suivant la loi de la valeur mais promise à voler en éclats sous les coups de la terreur révolutionnaire.

C’est dans ce but que nous faisons quelques commentaires – citations à l’appui, pour prouver comme d’habitude que nous n’avons rien découvert et que nous n’allons rien falsifier – sur les « trois figures » du procès de circulation que Marx expose génialement dans ce chapitre et dont nous avons donné la formulation synthétique d’origine ainsi que celle traduite par nos soins dans une publication à paraître[10].

Les trois figures

Les stades ou actes du drame sont, nous l’avons vu, au nombre de trois; le premier et le troisième peuvent être interprétés en termes de circulation monétaire et marchande, ce qui ne réduit pas encore au silence les philistins; le second stade P, et lui seul, définit le procès de circulation qui nous tient à cœur : la circulation du capital productif et par là-même de la survaleur.

Ces figures sont les trois manières de lire le cycle des « réactions en chaîne ». Encore une fois, la première et la troisième sont importantes parce que non révolutionnaires et, suivant le texte même de Marx, nous en laissons la maîtrise aux troupes ennemies : ce sont celles où le cycle va de l’argent à l’argent et de la marchandise à la marchandise. Nous expédierons ces deux-là avant la seconde qui pour nous est l’ultime parce que la première (ne soyez pas effrayés, messieurs : « les derniers seront les premiers » a dit votre Jésus de Nazareth qui, assurément, n’était pas aussi crétin que vous) : celle qui part de P pour rejoindre P.

La première des trois figures n’exige pas qu’on y revienne longuement après avoir mis en lumière les actes qu’accomplit le capitaliste quand nous l’imaginons entrant en scène en qualité de support du capital-monnaie et après avoir démontré que la seule accumulation monétaire ne remplit pas les conditions historiques de la production capitaliste, lesquelles résident dans la rupture déchirante entre les moyens de production et les hommes dotés de leur force de travail ainsi que dans la noble ascension de ces esclaves modernes réduits à l’état de moyens de production à l’image d’un cheval (pour lequel on a plus d’égards).

La seconde figure débute par M′, soit la masse des marchandises issues déjà d’un précédent cycle productif partant de la somme A convertie par l’entrepreneur capitaliste en une masse inférieure de marchandises M. Marx observe qu’on peut considérer M′ comme divisée en deux parties et poser : M′ = M + m. Alors, après avoir saisi M′ en bloc, on le jette tout entier dans la circulation marchande pour faire de l’argent. La partie M suffira à restaurer la somme A et tout recommencera comme dans la première figure et lors du premier stade. C’est la partie m qui restera en suspens pour une double destination -consommation ou bien, comme on dit de nos jours, réinvestissement – et qui fera le départ entre la reproduction simple et la reproduction progressive[11]. Quoi qu’il en soit, le texte signale qu’à de rares exceptions près (qui se produisent dans l’agriculture et non dans l’industrie puisque, disons, Agnelli ne se fait pas servir à table un plat de lingots d’acier) la partie m aussi devra passer par le marché pour se transformer en argent a constituant un revenu consommable par le capitaliste. Pour le bourgeois, donc, m demeure dans le cadre général de la circulation marchande, y compris dans la circulation simple, tandis que pour nous elle n’appartient au procès de circulation du capital que si elle n’est pas consommée, en vertu d’une abstinence que ni Staline ni Marx n’ont inventée, mais les ricardiens classiques eux-mêmes, et devra donc être immolée au dieu de la reproduction élargie.

Qui entreprend d’étudier la circulation comme ayant pour sujet les marchandises ne comprendra jamais rien, Marx le dit cent fois. Par exemple : « Nous avons supposé une reproduction simple, c’est-à-dire que a – m se sépare totalement de A – M [ces tirets ne se lisent pas « moins » mais « équivalent à », d’où la légère modification de symboles que nous proposons[12]]. Les deux circulations, m – a – m aussi bien que M – A – M appartenant à la forme générale d’après la circulation des marchandises[13], aucune différence de valeur n’apparaissant donc entre les termes extrêmes, il est facile, ainsi que le fait l’économie vulgaire [qui ne veut pas crever !] de considérer le procès de production capitaliste comme une simple production de marchandises, de valeurs d’usage destinées à une consommation quelconque et que le capitaliste produit uniquement pour les remplacer ou les échanger avec des marchandises d’une autre valeur d’usage (…) ».[14]

Et pourquoi donc le capital produit-il ? Il produit parce qu’il doit produire non des marchandises mais lui-même, la survaleur, et il trouvera toujours des idiots « détendus »[15] entrant en émulation pour consommer ces stupides marchandises !

Immédiatistes et staliniens

La raison de principe pour laquelle notre parti abhorre l’idée naïve de pallier nos très faibles forces numériques par un bloc de tous ceux qui osent ne pas ajouter foi aux Russes, à Staline et aux soi-disant post-staliniens plus désastreux que lui, est précisément que tous ou presque sont immédiatistes en économie, crypto-libéraux en politique et, par conséquent, non moins anti-marxistes que les pires staliniens. Il nous semble entendre dire : ceci n’a rien à voir avec l’abaque de l’économie marxiste ! Mais si, au contraire ! Et c’est parce que nous trouvons cette relation évidente que notre sectarisme invétéré recueille les pires imprécations.

L’immédiatiste est celui qui voudrait ajuster le compte économique sans faire intervenir le terrible médiateur qu’est la révolution politique, autrement dit le parti dirigeant la dictature. Immédiatisme signifie : prétendre introduire un ajustement dans la série m – a – m tout en laissant suivre son cours la série M – A – M, censée tout englober. Les staliniens exaltent-ils autre chose ?

A l’opposé, les coups de la terreur dictatoriale contre la majorité toujours plus veule de la société bourgeoise doivent justement être assénés pour disloquer la formule M – A – M, même assimilée à M′ – A′ – M′. Cette vérité ne pourra jamais être enfermée dans l’horizon de l’usine, du syndicat ou de la commune territoriale, mais ne surgit dans tout son éclat qu’à l’horizon de la forme-parti. On atteint à cette vérité quand on n’a plus en vue le patron de l’entreprise et son bilan, quand on ne se propose plus d’arracher leurs dividendes aux actionnaires au profit des ouvriers ni de répartir ce que « l’organisation » FIAT, par exemple, fauche à ces pauvres sots d’Italiens, ce qui était la quintessence des idéaux « ordinovistes »[16]. Marx avait-il dit ça ? Certainement, ô théoriciens qui en sauraient plus que lui et qui n’atteignent pas à la semelle de ses bottes.

« Nous avons vu que m – a – m, circulation du revenu du capitaliste, n’entre dans la circulation du capital qu’autant que m fait partie de la valeur de M′, c’est-à-dire du capital fonctionnant comme capital-marchandise; mais dès qu’il a la forme indépendante a – m, il n’entre pas dans le mouvement du capital avancé par le capitaliste, bien qu’il en sorte. [Soyez bien attentifs !] Il [a, revenu dont jouit le capitaliste individuel] s’y trouve lié [au mouvement réel de circulation du capital dont traite notre critique économique, à seule fin de repérer le nœud où l’épée doit frapper] pour autant que l’existence du capital présuppose l’existence du capitaliste; et cette dernière a comme condition la consommation de la plus-value par le capitaliste ».[17]

Lisons avec suffisamment de dialectique (que se tiennent à l’écart ceux qui se contentent de critiquer la nourriture insuffisante des ouvriers russes ou le fait que les troupes envoyées par Moscou aient tiré, par ordre de parti, sur les étudiants de Budapest). La consommation de survaleur par le capitaliste en personne est une condition d’existence du capitaliste. Ce n’est pas difficile à comprendre sur le plan théorique : privons le capitaliste de nourriture et il mourra; dans l’histoire réelle on emploie d’autres méthodes : tuons le capitaliste et il ne mangera plus. Ce sont des conclusions tirées de la pure physiologie. Mais la consommation du capitaliste n’est pas une condition d’existence du capitalisme étant donné que, lors de la métamorphose en marchandise, M aussi bien que m étaient intégralement du capital. Nous l’avons même illustré par cent citations; à l’inverse, la véritable condition d’existence du capitalisme est le transfert de la survaleur m à un nouveau capital productif de sorte qu’il se métamorphose en une masse supérieure de marchandises (dans le cadre glorieux et « détendu »[18] de l’émulation).

Les Russes ont réalisé au plus haut degré la condition d’existence essentielle du capitalisme. Aucun des aspirants à faire bloc avec nous n’est prêt à le reconnaître.

Autrement dit, le scandale des patrons mangeant une partie du fruit du travail des salariés ne réside pas dans l’iniquité morale en matière de partage des revenus, mais plutôt dans le fait qu’en enserrant le capitalisme dans le schéma de la reproduction simple, il en empêche le développement historique dont la condition est la reproduction élargie, c’est-à-dire la formation d’une survaleur transférable à un nouveau capital. La revendication communiste n’est pas la distribution de la survaleur entre les salariés mais la fin du système salarial et du cycle maudit de la circulation du capital.

Le capital doit mourir quels qu’en soient les avatars : capital productif, capital-marchandise et capital-argent.

L’erreur du socialisme d’entreprise

Le texte de Marx montre qu’il n’importe guère de connaître la destination finale de tous les produits d’une usine déterminée. Au moment de quitter la phase du procès productif, ils revêtent tous la forme de capital-marchandise. En économie marxiste en effet, comme nous le rappelons sans cesse, le capital se mesure à la valeur des marchandises fabriquées, le fameux chiffre d’affaires. En qualité de marchandise, tout le produit tombe dans le mouvement général de la circulation marchande et redevient argent. En tant que telles, ces marchandises peuvent devenir capital d’une autre entreprise ou alors biens de consommation. A partir de là, il nous importe de savoir seulement, afin de suivre le procès de circulation du capital, quelle destination aura la somme A′ en laquelle s’est métamorphosée la marchandise M′ et s’il y aura alors reproduction simple ou élargie. Mais l’essentiel est de passer à l’échelle sociale où a lieu la circulation des marchandises et celle, bien plus importante à nos yeux, des capitaux. « La circulation générale embrasse l’enchevêtrement des mouvements circulatoires des diverses fractions autonomes du capital social, c’est-à-dire l’ensemble des capitaux particuliers, tout aussi bien que la circulation des valeurs qui n’ont pas été jetées sur le marché sous forme de capital ou qui entrent même dans la consommation individuelle. »[19]

Dans la série m – a – m écartée de la circulation du capital par la reproduction simple, « l’argent fonctionne simplement comme monnaie; cette circulation a pour but la consommation individuelle du capitaliste. Ce qui caractérise le crétinisme de l’économie vulgaire, c’est qu’elle nous donne comme mouvement circulatoire du capital cette circulation qui n’entre pas dans le mouvement circulatoire du capital, c’est-à-dire la circulation de cette partie du produit-valeur qui est consommée comme revenu ».[20]

Dans d’autres passages, l’analyse de Marx s’attarde sur la transition menant de l’économie d’entreprise à celle de tout un pays (id. p. 166 où il traite de cette troisième figure de la circulation du capital-marchandise que nous examinons justement avant la seconde, celle du capital productif allant de P à P). « Lorsque nous considérons par exemple la totalité du produit-marchandise (…) d’un pays et que nous analysons le mouvement par lequel une partie de ce produit remplace le capital productif dans toutes les affaires individuelles [d’entreprise], tandis qu’une autre partie entre dans la consommation personnelle des différentes classes, nous considérons M′ … M′ comme forme de mouvement aussi bien du capital social que de la plus-value ou du surproduit qu’il engendre. De ce que le capital social est égal à la somme des capitaux individuels (y compris les capitaux des sociétés par actions ou ceux de l’État, en tant que les gouvernements emploient du travail salarié productif dans les mines, les chemins de fer, etc., et fonctionnent donc comme capitalistes industriels), de ce que le mouvement total des capitaux individuels[21] [la parenthèse précédente justifie notre appellation de capitaux d’entreprise et celle de socialisme d’entreprise[22] à propos de l’erreur que Marx dénonce ici] est égal à la somme algébrique des mouvements des capitaux individuels, il ne faut pas conclure que ce mouvement, comme mouvement du capital individuel isolé présente d’autres phénomènes que ce même mouvement quand on le considère comme n’étant qu’une partie du mouvement total du capital social, c’est-à-dire, dans son rapport avec les mouvements des autres parties du capital; il ne faut pas en conclure davantage que ce mouvement nous apporte la solution que, pour certains problèmes, nous sommes obligés de supposer effectuée au préalable quand nous étudions le cycle d’un capital individuel isolé. »[23]

Qu’on ne trouve pas laborieuse cette citation dont le sens est évident. Si l’ensemble du produit est marchandise, l’économie dans son ensemble est capitaliste, même si le sujet de l’entreprise n’est plus un patron personnel ou collectif. Quand, au cours du cycle d’une entreprise particulière, on rencontre le stade où de la marchandise est vendue à la fin d’un cycle et est acquise au début d’un autre, moyens de travail d’un côté, force de travail de l’autre, il s’agit d’économie capitaliste pour la même raison que là où des salariés sont payés en monnaie par le patron privé, il y a capitalisme et non socialisme.

Dans la structure russe, on dissimulait naguère l’acquisition par l’entreprise du capital constant de départ, mais pas celle de la force de travail (mis à part le fait qu’elle s’effectue à plus vil prix qu’en Occident, ce qui n’est pas décisif). A l’occasion des nouvelles réformes, la vente finale M′ – A′ est redevenue patente ainsi que l’acquisition initiale A – MM ne représente pas seulement v mais aussi c, les moyens de production et pas seulement la force de travail, le tout exprimé en roubles.

L’aveu par Staline que la loi de la valeur règne en Russie est l’aveu qu’y règne l’économie capitaliste. Un passage classique est-il encore nécessaire à ces incurables marxistes ? « La marchandise devient capital-marchandise[24], parce qu’elle est la forme fonctionnelle d’existence, découlant directement du procès même de la production, de la valeur-capital ayant déjà produit de la plus-value. Si la production des marchandises avait lieu, dans toute l’étendue de la société, suivant le mode capitaliste, toute marchandise serait naturellement [25] élément d’un capital-marchandise, fût-elle du fer brut ou des dentelles de Bruxelles, de l’acide sulfurique ou des cigares. Le problème de savoir quelles marchandises sont, de par leur nature, destinées à jouer le rôle de capital et quelles autres seront simplement marchandises [rappelez-vous la dispute entre Staline et les dissidents : les machines industrielles sont-elles, elles aussi, des marchandises ? A la suite des réformes, Staline a été réduit au silence], a été imaginé, pour son propre ennui, par l’économie scolastique. »[26]

Quatre vingt ans après la mort de l’auteur de ces lignes, l’économie universitaire et les statistiques frauduleuses des Occidentaux et des Soviétiques en sont restées à de telles amusettes.

Distribution des figures de Marx

La première et la troisième figures, celles qui partent respectivement de l’argent et de la marchandise sont insuffisantes pour donner une idée du capitalisme moderne. Le texte le dit à la fin du chapitre sur la troisième figure.

« C’est sur M′ … M′ qu’est basé le Tableau économique de Quesnay; cet auteur a montré du tact et du jugement en choisissant cette forme et non pas P … P, par opposition à A … A′, la forme retenue par le système mercantiliste. »[27] A la fin du chapitre précédent portant sur le mouvement circulatoire du capital productif (seconde figure), Marx avait dit : « La circulation du capital productif est la forme sous laquelle l’économie classique considère le procès de circulation du capital industriel. »[28]

Il est donc historiquement justifié d’ordonner les trois figures comme nous l’avons fait; en premier lieu celle représentant la circulation de l’argent, puis la circulation de la marchandise et enfin la circulation du capital d’entreprise. L’école économique du mercantilisme reflétait les intérêts de cette classe bourgeoise initiale qui s’enrichit dans le commerce d’outre-mer; conformément aux intérêts de ces couches, elle tenta de théoriser l’engendrement de la richesse à l’occasion de tout acte d’échange. Le mercantiliste nie la loi des valeurs s’équivalant sur le marché, soutenant que par achat et revente le capital s’accroît d’une survaleur : de A à M et de M à A′ augmenté.

Les ricardiens classiques disent – et nous avec eux – que la survaleur ne provient pas de ce mouvement.

Les physiocrates ne soutenant et n’exprimant nullement les intérêts des seigneurs féodaux mais ceux des propriétaires fonciers à la mode bourgeoise, nièrent eux aussi la thèse des mercantilistes et affirmèrent que la richesse accrue et donc susceptible d’être consommée provenait de la terre à chacun de ses cycles saisonniers, celle-ci rendant cent en produit pour dix en semence. La survaleur ne provient pas de l’échange ni de la manufacture mais seulement de l’agriculture où après la mise en œuvre de M, celle-ci se grossit d’un surplus et devient M′. Tout autre compte est à gain nul : celui du commerçant comme celui du travailleur et de l’industriel qui consomment une partie des produits de la terre sans rien ajouter à ce qu’ils ont reçu, mais en faisant don, « au pair », de leur propre activité (« travailleurs improductifs »).

Les économistes de l’école classique reflètent les intérêts des fabricants. Pour ces derniers, la survaleur dont vit l’humanité ne provient ni de l’échange ni de l’agriculture mais seulement de l’industrie. Le profit est par conséquent du ressort de la classe des entrepreneurs. Ceux-ci mettent donc en avant le procès productif que Marx désigne par P et peuvent être valablement mis en scène dans la deuxième figure. Celle-ci s’écrit P … M′ – A′ – M … P en cas de reproduction simple et P … M′– A′ – M′ … P′ en cas de reproduction élargie, P′ représentant une production d’entreprise intensifiée donnant lieu à une quantité plus élevée de produit. Marx réunit les deux formules en une seule qu’il écrit à peu près comme suit :

P … M′ – A′ (A′ – M′) (A – M) … P (P′)

Ces deux versions sont celles des apologistes du capitalisme d’entreprise qui introduisirent autrefois la conception selon laquelle le capitaliste en tant que personne préférerait ne rien consommer et tout investir.

L’infernale accumulation

« Tout le caractère de la production capitaliste est déterminé par la mise en valeur de la valeur-capital avancée, donc en premier lieu par la production maxima de plus-value, ensuite (…) par la production de capital, c’est-à-dire la transformation de plus-value en capital. L’accumulation ou la production sur une échelle agrandie, qui apparaît comme le moyen d’étendre sans cesse la production de plus-value et d’enrichir le capitaliste dont elle est le but personnel; cette accumulation, impliquée dans la tendance générale de la production capitaliste, devient peu à peu, en se développant (voir Livre premier), une nécessité pour tout capitaliste individuel. Le capitaliste ne peut conserver son capital qu’en l’augmentant sans cesse. »[29]

La libre décision apparente du capitaliste individuel de « profiter » ou non en consommant davantage que les autres se révèle être bien plus une nécessité, c’est-à-dire une détermination extérieure à la volonté du sujet humain : accroître son capital ou, pour mieux dire, le capital, le capital social. Ne jugeons pas absurde l’assertion des ricardiens selon laquelle le capitaliste s’abstiendrait de consommer le profit pour obéir à un impératif catégorique de ce genre; en tant que personne, il fait plus : il se fond dans la multitude quand le capital se concentre en un plus grand nombre de mains[30], entreprises anonymes et État capitaliste.

Revenant à la deuxième figure qui réunit les reproductions simple et élargie – dans la mesure où on ne peut séparer ces deux aspects – et, dans un mouvement inverse, la divisant délibérément en deux, nous en avons déduit les formules susceptibles de définir deux autres écoles adverses et engendrées directement, même si elles s’en défendent, par l’économie bourgeoise.

Nous avons fait de P … P, sans élargissement du procès productif, la formule des « immédiatistes ». Ceux-ci se contentent de proposer que la survaleur (dans la notation de notre abaque, celle-ci est désignée par un p) soit ajoutée à v, capital-salaire (c’est-à-dire distribuée intégralement aux ouvriers), en éliminant le patron ou les dividendes de la société. Ce faisant, P reste toujours égal à lui-même et il n’est plus besoin d’élargir la production, mais seulement de corriger les erreurs de répartition. Marx dit aussi : « Ce rapport [entre capitaliste et salarié, en tant que rapport d’argent, d’acheteur à vendeur] est fondé sur le caractère social de la production et non point du mode de communication; ce dernier sort du premier. Il est du reste conforme aux conceptions bourgeoises, où le « petit commerce » occupe le premier rang, de ne point chercher dans le caractère du mode de production la base du mode de communication correspondant, mais de faire le juste contraire ».[31]

L’immédiatiste que nous avons classé sous la formule abrégée P … P est un sujet ouvriériste, mais son âme est purement petite-bourgeoise.

La formule P … P′, seconde face de la formule bourgeoise classique, convient par contre parfaitement aux économistes staliniens. Ceux-ci ont également escamoté, avec la personne physique des capitalistes, la survaleur p, sans pour autant songer à l’ajouter au salaire v. Ils l’ont entièrement transférée au nouvel investissement productif pour faire grandir vertigineusement l’intensité de P en prétendant que cette inflation productive serait … le socialisme.

Une fois toutes ces formules attribuées aux écoles ennemies, nous n’avions pas à choisir la nôtre parmi elles. La conclusion de l’exposé, intégrée dans une série plus complète, rendue symétrique, de formulations algébriques des trois aspects de la circulation du capital, fut la suivante : dans l’économie socialiste et communiste, on ne produit pas de capitaux et il n’en circule donc pas. Par conséquent, on ne produit pas non plus de marchandises et il n’en circule pas au sens d’un échange par le moyen de monnaie et encore moins par celui du troc.

Pour Marx « l’étendue des masses de marchandises fournies par la production capitaliste est déterminée par l’échelle de cette production et le besoin d’une perpétuelle extension, et non par le cercle prédestiné de l’offre et de la demande, ni par les besoins à satisfaire »[32]; notre revendication est donc que la production soit réduite à l’échelle de ces besoins, ceux-ci étant conformes au perfectionnement de la société humaine et non au caprice de l’individu, et que cette adéquation advienne au moyen de mesures physiques et non de valeur économique, jusqu’à ce que la satisfaction du besoin humain et l’activité qui y pourvoit viennent à coïncider en un acte unique et dispensateur de joie humaine.

Le démon du capital industriel

Jusqu’ici, nous avons amplement développé le contenu de la première section du Livre II du « Capital » de Karl Marx, ce qui est suffisant pour servir d’arrière-plan à notre exposé, d’une part, et d’autre part à notre version du symbolisme, traitée à Milan et dans le chapitre correspondant de l’Abaque économique de Marx dont la publication commence également dans notre revue française Programme communiste[33].

On en aurait fini avec le sujet s’il n’était utile, en attente de futurs développements systématiques, de le relier à un premier exposé fait aussi à Milan et portant sur les questions de l’accumulation du capital traitées à l’origine dans la troisième section de ce même livre II. Ces questions ont été âprement discutées au sein de l’école marxiste, prêtant parfois à controverse, ce qui est imputable aussi à la forme donnée, après sa mort, au texte de Marx, dans l’incertitude où nous sommes – malgré les efforts admirables et opiniâtres d’Engels – que l’ordre et la division en parties soient précisément ceux qu’il aurait choisis, et peut-être à la préoccupation excessive de reproduire textuellement les manuscrits tourmentés de l’auteur.

Nous avons souligné dans notre exposé qu’au cours du « cycle des métamorphoses » que traverse le capital en circulation – argent, marchandise, procès productif, marchandise, argent, ainsi de suite – l’originalité de Marx vis-à-vis de tous les économistes qui le précédèrent (et le suivront) est d’avoir choisi de manière, dirons-nous, dramatique l’anneau à saisir : non pas l’anneau argent, comme dans la première formule cyclique, ni l’anneau marchandise, comme dans la troisième, mais l’anneau procès productif où explose, comme on dirait aujourd’hui, la forme-capital. Sous cette forme, pour la première fois dans l’histoire, le capital, connu depuis des temps anciens en tant que capital-argent et capital-marchandise, devient capital industriel; il ne peut plus être compris comme capital reposant « sur les épaules d’une personne singulière »; il est devenu forme sociale et la classe travailleuse se bat bien davantage contre celle-ci que contre la classe des propriétaires de capitaux. Cette bataille est une révolution et non seulement il n’existera plus après elle de capital d’entreprise, mais il n’existera pas non plus de capital-marchandise ni de capital-argent.

Dès la quatrième partie du chapitre 1 sur « le mouvement circulatoire total »[34], il est dit : « Le capital industriel est le seul mode d’existence du capital où la fonction du capital ne consiste pas uniquement dans l’appropriation de plus-value ou de surproduit (…). »[35] Cela signifie historiquement que les propriétaires de capitaux sous forme de monnaie et de marchandises, propriétaires à l’ancienne et de type pré-industriel, pouvaient déjà consommer pour en jouir une partie du travail des masses productrices en se l’appropriant à leur avantage; mais c’est seulement dans la forme industrielle moderne et achevée que le capital va au-delà de l’appropriation personnelle par le capitaliste et que, reversant la survaleur produite dans le magma du capital social, il finit par éliminer le capitaliste-personne des conditions de sa propre dynamique.

Grand raccourci historique

Le passage se poursuit en ces termes : « Il entraîne donc le caractère capitaliste de la production, et son existence implique celle de l’opposition de classe entre capitalistes et salariés. Dans la mesure où il s’empare de la production sociale, la technique et l’organisation sociale du procès [ancien] de travail sont bouleversées, et avec elles le type économique historique de la société [le mode de production]. Les autres espèces de capital [monnaie et marchandise], qui sont apparues antérieurement à lui [au capital industriel] au milieu de conditions de production disparues ou en voie de disparaître, ne lui sont pas seulement subordonnées et modifiées suivant ses exigences dans le mécanisme de leurs fonctions; elles ne se meuvent plus que sur les bases du capital industriel, avec lequel elles vivent ou meurent, persistent ou tombent [on pourra donc déclarer déchu le capitalisme industriel lorsque seront déchues les formes marchandise et argent]. Le capital-argent ou le capital-marchandise, pour autant qu’ils fonctionnent à côté du capital industriel comme représentants de branches spéciales d’affaires, ne sont plus que des modes d’existence, rendus autonomes et développés dans un seul sens par la division sociale du travail [entre les membres de la classe capitaliste ou entre les organes de l’État capitaliste], des différentes formes de fonctions que le capital industriel revêt et dépouille alternativement dans la sphère de la circulation. »[36]

Nous avons ajouté les précisions entre crochets, mais elles sont rigoureusement conformes à la conception marxiste que le texte expose ici de manière lapidaire, celle des caractères distinctifs de la production de type capitaliste en opposition aux formes précédentes et donc aussi à la future forme non capitaliste.

Ces lignes viennent au moment où apparaît dans le texte le procès de circulation du capital en sa première formule, ou figure, de l’argent à l’argent. La vision historique s’est complétée de manière strictement parallèle à l’analyse économique à mesure qu’on abordait la circulation du capital productif industriel, base de l’accumulation. Maintenant que nous avons clairement reconstruit la liaison entre les trois figures et qu’elle est devenue familière au lecteur, nous nous réfèrerons à la page 198.

« Le procès de circulation du capital industriel présente, entre autres particularités, celle-ci, qui est tout spécialement facile à constater et qui s’applique à la production capitaliste : d’une part, les éléments constitutifs du capital productif proviennent du marché des marchandises, s’y renouvellent constamment et doivent être achetés comme marchandises [matières et force de travail]; d’autre part, le produit du procès de travail en sort comme marchandise et doit constamment être revendu comme marchandise »[37]. Cette idée qu’on pourrait exprimer en disant que le capitalisme est un mercantilisme intégral – sa destruction étant donc en même temps celle du mercantilisme – est mise en lumière par Marx au moyen d’exemples historiques. « Comparons, par exemple, un fermier moderne de la Basse-Ecosse avec un petit propriétaire routinier du continent. Le premier vend tout son produit et doit donc en renouveler sur le marché tous les éléments, même les semences; le second consomme directement la majeure partie de son produit, achète et vend le moins possible, fabrique des outils, confectionne des vêtements, le tout, autant que faire se peut, par son propre travail »[38].

Cette opposition dialectique, condensée, suffit à montrer combien seraient réactionnaires des formes et des programmes tels que la parcelle kolkhozienne russe ou, en Italie, la transformation des métayers et, pire encore, des salariés agricoles en petits propriétaires traditionnels. La roue de l’histoire avance, comme l’a dit Lénine à l’époque de la NEP, lorsque toutes les activités du cycle revêtent la forme mercantile. Mais le socialisme advient quand les formes mercantiles, après avoir rempli la totalité de l’espace économique, meurent et disparaissent en même temps que la forme salariale d’entreprise.

Liquidation de l’économie académique

« C’est d’après cela [la comparaison que nous venons de citer] que l’économie naturelle, l’économie monétaire et l’économie de crédit ont été opposées l’une à l’autre comme étant les trois formes caractéristiques du mouvement de la production sociale ».[39]

Marx réfute cette distinction scolastique encore à l’honneur aujourd’hui. « Ces trois formes ne représentent pas des phases équivalentes du développement. Ce que l’on appelle économie de crédit [le système bancaire] n’est qu’une forme de l’économie monétaire, en tant que ces deux appellations expriment des fonctions ou des manières de relations[40] entre les producteurs. Dans la production capitaliste développée, l’économie monétaire apparaît simplement comme la base de l’économie de crédit. L’économie monétaire et l’économie créditaire ne correspondent donc qu’à des degrés différents dans le développement de la production capitaliste, mais ne sont nullement des formes autonomes de circulation par opposition à l’économie naturelle. On pourrait tout aussi bien leur opposer comme équivalentes les formes très différentes de l’économie naturelle ».[41]

Marx fait ici allusion à des formes pré-mercantiles très diverses telles que le communisme tribal avec consommation et travail en commun, le système de la gens avec répartition annuelle des champs, le système du troc etc.… Puis il expose un second point d’histoire.

« Comme dans les catégories : économie monétaire, économie créditaire, on n’insiste pas sur l’économie même, c’est-à-dire sur le procès de production pour en faire le signe distinctif, mais qu’on insiste au contraire sur le mode de relation, correspondant à l’économie, et existant entre les divers agents de la production ou les producteurs, il faudrait en agir de même avec la première catégorie [l’économie naturelle] ».[42]

Ce passage (dont la traduction à partir de l’original n’est peut-être pas des plus heureuses) établit l’opposition fondamentale, la même depuis un siècle, entre la science économique officielle et notre école révolutionnaire. La première, aujourd’hui encore (jusqu’à Keynes, à l’école américaine du welfare, aux académiciens soviétiques théorisant sur « les prix en économie socialiste » et autres monstres de musée) prend pour caractère distinctif des formes historiques (à supposer qu’elle ait la force de proposer une série historique cohérente des modes de production sociaux) les rapports d’échange, de distribution, de circulation d’objets déjà produits et passant de main en main, mais se révèle impuissante à discerner quels rapports se nouent entre eux à l’occasion du véritable « procès productif »; à l’opposé, c’est en fonction de ce dernier que nous, marxistes, avons fabriqué une clef de l’histoire économique universelle, y compris de celle à venir. Nous admettons que ceux qui se traînent au cul des maîtres de la chaire en viennent à la conclusion qu’une telle fabrication est impossible; mais pour quelle raison devraient-ils nous qualifier, nous et Karl Marx, de bande de crétins ? Le litige est ancien; c’est le même qui nous opposa à Tonino Graziadei[43] quand, prétendant louer en Marx le grand homme, il noircissait des milliers de pages pour affirmer qu’il ne peut y avoir de science que des prix des marchandises sur le marché et de leur hausse, et non de la survaleur provenant de l’acte productif.

Graziadei admirait chez Marx la découverte de la dictature de classe, mais en dépit de sa science universitaire, il ne pouvait prévoir que les faux marxistes qui, alors, condamnèrent hypocritement son hérésie concernant la théorie de la survaleur (nous faisons allusion aux Italiens et non aux Russes de l’époque) tomberaient aujourd’hui plus bas que lui, à la suite du Moustachu, dans l’abomination de la mise à jour et de l’enrichissement de Marx, et non seulement feraient litière de la doctrine économique mais renieraient, comme nous l’avions dûment prévu, la doctrine révolutionnaire de la dictature et même celle de la lutte des classes, pourtant antérieure à la substance originale et intangible du marxisme.

Les modes de production plus anciens

Revenons au texte de Marx en renvoyant nos lecteurs à un travail mis en chantier depuis longtemps dans notre activité collective et portant sur l’agencement de la série-type des formes sociales, thème d’élaborations et de réunions ultérieures prévues internationalement dans les « programmes de travail » de notre organisation, conscients que nous sommes de ne pouvoir opérer en extension qu’après l’avoir fait en profondeur, sans céder à une précipitation hystérique.

Marx déclare erronées les catégories d’une science servile qui distingue entre économie monétaire et économie de crédit puisque, s’agissant du simple échange de marchandises, aucun contraste historique ne fonde la différence entre le système au comptant et celui par comptes courants ou lettres de change né au XVe siècle en Italie et dans les Flandres. Tous deux apparaissent à la grande époque du capitalisme industriel moderne où la perspective de l’histoire russe actuelle hérissée de comptes bancaires en roubles n’était pas encore ouverte.

Si les formes-types sont à déchiffrer dans la manière d’échanger et non dans celle de produire, Marx rétorque qu’il faudrait faire de même en ce qui concerne la première de ces trois catégories artificielles. « Au lieu d’économie naturelle, nous aurions donc [Marx veut dire : c’est ce qu’il faudrait entendre de la bouche de messieurs les savants] économie d’échange »[44] Cela signifie que dans une telle économie encore plus ancienne, on n’échange pas le produit contre un morceau de papier servant au paiement ni contre de l’or sonnant ou de l’argent circulant, mais produit contre produit, objet contre objet, tous deux aux mains de ceux qui les ont fabriqués et transportés, bref, valeur d’usage contre valeur d’usage. Le texte, se faisant alors formidablement synthétique, pose la question : existe-t-il une économie naturelle absolue[45] ? Oui, elle a existé, mais les producteurs n’y reçoivent ni papier ni or ni un autre produit. Ils produisent et consomment socialement, à la manière communiste, grâce à une organisation centrale, en ignorant la scatologique incitation individuelle du tristement célèbre Krouchtchev. « Une économie naturelle absolue, comme celle des Incas, ne rentrerait dans aucune de ces catégories »[46]

La mystérieuse civilisation disparue des Incas de l’actuel Mexique[47], sur les merveilleux vestiges de laquelle s’abattit la bestiale férocité des accumulateurs primitifs blancs et chrétiens, avait une organisation complète et centralisée d’administration économique; elle produisait selon des plans méthodiques s’appuyant sur un développement scientifique sur lequel nous n’avons pas d’information parce qu’elle n’était sans doute pas parvenue au stade de l’écriture. Il semble que les opérations mathématiques s’y faisaient au moyen de cordelettes à nœuds. Une densité de population manifestement faible ainsi qu’un climat exceptionnellement favorable à une production agricole peu exigeante en énergie, et donc en effort physique, permirent à une communauté possédant certainement des notions élevées d’astronomie et de sciences naturelles de dominer le déterminisme des facteurs adverses au point de déplacer, en une alternance séculaire, de merveilleuses cités, dès l’instant où, peut-être, le territoire environnant, véritable nourrice plantureuse de l’homme-espèce, avait été épuisé par le travail de quelques générations. L’abondance des moissons, inconnue d’autres peuples et d’autres époques placés dans des conditions géophysiques très différentes et bien plus rudes, a dû rendre possible un véritable communisme de consommation à l’avantage de toute la masse humaine dénuée de toute propriété sur la terre, les instruments ou les biens de consommation individuels. Cette économie a existé et donne sens à la fulgurante revendication d’une économie sans « circulation ». Deux conséquences, de portée considérable, peuvent en être tirées. La première est que les économies se classent en fonction de la production et non de la circulation, ensevelissant ainsi toute la science économique jusqu’à l’actuelle dans les limbes de l’impuissance. La seconde est d’un niveau plus élevé encore; une économie sans circulation existera à nouveau, disposant, pour une humanité centuplée en nombre, de moyens de contrôle centuplés sur la physique terrestre; ce sera la nôtre, le communisme; elle ne connaîtra ni troc ni monnaie, ni crédit ni marché pas plus que l’esclavage humain. Elle n’est pas un rêve, puisqu’elle a existé une fois malgré les mensonges catholiques et capitalistes qui tentent de la déshonorer; elle existera à nouveau; son histoire future, écrite une première fois près d’un siècle avant nous, ne doit pas se fourvoyer dans la foule de ceux qui, hommes de peu de foi, posent des problèmes de bas étage, hésitent et abandonnent à chaque pas les conquêtes lumineuses.

Le tournant le plus récent

C’est une méthode permanente du marxisme que d’éclairer le contenu programmatique de la transformation révolutionnaire qui mettra un terme à l’ère du mode de production capitaliste en mettant en lumière les caractères des transitions révolutionnaires entre les époques et formes socio-historiques qui ont précédé le capitalisme. La science du passage des économies non capitalistes au capitalisme, produit de la révolution bourgeoise, n’a pas besoin d’ajouts ni de l’expérience de la phase secondaire que traverse le capitalisme dans son existence qui n’est pas brève. Ou mieux, la seule manière de comprendre ces phases ou ces étapes – pour les désigner dans les termes de Lénine – est de se fonder sur la doctrine complète ayant trait à la naissance de la forme capitaliste, négation des formes qui la précédèrent.

Pour mieux confirmer que ces grands bouleversements de l’histoire de la société humaine ne sont pas interprétables ni représentables selon les formes de la circulation et pour mieux démontrer la nullité de la classification des économies en naturelle, monétaire et de crédit, Marx revient, après ce saut rapide dans le passé le plus lointain, à la révolution sociale la plus récente.

« L’économie monétaire est commune à toute production de marchandise, et le produit apparaît comme marchandise dans les plus divers organismes sociaux de production ».[48] Dans l’esclavagisme lui-même, en effet, il existe des marchandises qu’on acquiert avec de l’argent : non seulement le produit du travail des esclaves mais leur personne même. Dans une économie de petits propriétaires terriens libres, une partie du produit circule comme marchandise; il en est de même dans une économie d’artisans libres. Dans le féodalisme aussi, il existe un espace marchand, même s’il n’est pas dominant, où s’échangent les produits manufacturés et ceux de la terre. La catégorie d’économie monétaire ne caractérise donc pas une forme historique, mais s’applique aux formes les plus diverses, y compris celles, très modernes, du capitalisme privé et d’État. Si donc il fallait définir le capitalisme non, comme nous le faisons, par le rapport de classe inhérent au procès productif, mais par les phénomènes de la sphère de circulation (mis en avant par nos contradicteurs), comment s’y prendrait-on ? Marx répond à la question que nous avons posée à sa place. « Ce qui caractériserait la production capitaliste, ce serait donc uniquement l’étendue suivant laquelle le produit est fabriqué comme article de commerce, comme marchandise, et suivant laquelle ses propres éléments constitutifs doivent entrer à nouveau comme articles de commerce, comme marchandises [acquises contre monnaie], dans l’économie d’où provient le produit ».[49]

« En réalité la production capitaliste est la production de marchandises comme forme générale de la production; mais elle ne l’est et ne le devient de plus en plus dans son développement que parce que le travail y apparaît lui-même comme marchandise, parce que l’ouvrier vend son travail, c’est-à-dire le fonctionnement de sa force de travail et qu’il le vend, ainsi que nous l’avons supposé, à sa valeur déterminée par le coût de sa reproduction ».[50] Par conséquent, l’expression de mercantilisme généralisé, bien que juste, ne suffit pas à la caractérisation du capitalisme, celle-ci se fondant sur la mécanique du procès productif; quand le travail s’échange contre de l’argent, nous nous trouvons dans la production capitaliste pure et pleinement développée. Que le lecteur ait la Russie constamment à l’esprit. Marx insiste sur le fait qu’en plein capitalisme tous les travailleurs indépendants pourraient être réduits à l’état de salariés. Le fait que les sociétés des États modernes (y compris l’État russe) conservent des couches sociales consommant directement le produit de leur activité, comme dans les micro-entreprises parcellaires des kolkhozes, n’entame nullement la démonstration de Marx ni ses conclusions révolutionnaires, mais prouve seulement qu’il s’agit de sociétés mixtes où coexistent le plein capitalisme et des formes elles aussi monétaires et marchandes, voire naturelles, mais en tout cas pré-capitalistes. Et ceci ne nous ôte pas le droit de poursuivre, dans un but de diagnostic historique, l’étude du capitalisme-type et de son modèle pur. C’est l’étude, que nous avons voulu minutieuse, du passé qui conduit à la disqualification définitive de toute économie « circulationniste » – bourgeoise ou pire : petite-bourgeoise et se présentant tant de fois sous un déguisement de gauche –, disqualification prononcée à propos de la figure immédiatiste du procès P…P dans le paragraphe précédent sur « l’infernale accumulation ».

L’objection selon laquelle la caractérisation marxiste du salaire ouvrier comme plus petite valeur servant à reproduire l’armée de travail ne serait plus justifiée aujourd’hui puisqu’on donne un peu plus d’argent aux salariés, cette objection ne nous a jamais arrêtés, ne serait-ce que parce que l’invoquent avec une égale hypocrisie les plus grands États, les deux bandes d’enrôleurs de force de travail industrielle : celle du capitalisme privé ( ?) américain et celle du capitalisme étatique russe qui, de concert, se gargarisent à propos de primes qu’ils accorderaient en vue d’élever le niveau de vie !

La question de l’accumulation

La controverse historique sur l’accumulation, ou reproduction progressive du capital, porte sur les « schémas » quantitatifs que Marx expose dans la troisième section du Livre II et que nous présenterons prochainement sous forme chiffrée et au moyen d’expressions symboliques auxquelles les chiffres nous conduiront.

Quelques observations doivent être faites sur cette controverse classique et nous nous excusons si elles peuvent paraître à certains non seulement préjudicielles mais encore paradoxales. Parmi les divers commentateurs de Marx, certains soutiennent que la série des schémas est concluante, d’autres qu’elle est contradictoire et qu’on ne peut la développer indéfiniment. Mais dans quel but et dans quelle partie de l’exposé d’ensemble les schémas interviennent-ils ? Est-ce pour démontrer que sur les voies qu’ils ouvrent, le capitalisme pourra persévérer indéfiniment et sans entrave ? Absolument pas. Dans la mesure où les schémas de l’accumulation se proposent de décrire le procès d’une économie capitaliste pure, Marx a voulu les construire de telle sorte qu’ils fussent probants et exacts. Mais dans le cadre de sa construction d’ensemble – qui, nous le montrons sans cesse, n’est pas une description du capitalisme en tant que forme historique objective mais constitue la plate-forme programmatique de sa destruction révolutionnaire – l’objectif de Marx est précisément l’inverse : démontrer que le capitalisme, qu’il soit pur ou mêlé à des formes pré-capitalistes, ne peut durer; qu’il doit succomber face à l’impossibilité inéluctable de sa survie. Si, arithmétiquement, chaque série de schémas s’avère probante, nous démontrerons en toute rigueur qu’historiquement le capitalisme ne tiendra pas.

Pour atteindre à cette vision des choses complexe et dialectique, il faut prendre en compte de nombreux points importants. Marx pose les fondements de l’étude de la circulation du capital – comportant deux aspects traités dès l’actuelle première section : la reproduction simple et celle sur une échelle élargie – en prévenant qu’il prend pour objet un mouvement de production et de reproduction des capitaux non tel qu’il se présente dans son cadre historique réel, mais assorti de l’hypothèse de travail suivant laquelle tous les échanges argent contre marchandise enserrant le procès de production central se font à des prix constants conformes à la valeur d’échange générale, sans variation des mercuriales ou du standard monétaire. Il est clair qu’on ne peut trouver d’ère géographique capitaliste ni de période historique, même très courte, où de telles conditions aient existé, tandis que c’est précisément la transformation de toutes ces conditions qui fait avancer le capitalisme vers ses crises et sa destruction. D’autres hypothèses théoriques non moins explicites sont à la base de ces « schémas » si discutés et diversement acceptés ou interprétés : que la composition organique du capital ne varie pas durant la brève période considérée de même que le taux de survaleur et que, par conséquent, les rapports liant dans les schémas les trois quantités, à savoir c, capital constant, v, capital-salaire et p, sur-valeur, restent inchangés. C’est à peine si Marx, pour surmonter certaines difficultés, admettra que les taux puissent varier quand on passe de la section I, qui produit les moyens de production, à la section II qui produit les biens de consommation.

Si toutes ces conditions étaient vérifiées, il est sûr que le capitalisme pourrait durer éternellement; mais c’est justement parce qu’il n’en est jamais ainsi dans la réalité sociale que celui-ci va vers son terme.

Une autre condition est encore posée : que tous les résidus des formes pré-capitalistes aient disparu et que soit donc en vigueur ce mercantilisme intégral dont il vient d’être question, de sorte qu’il n’y ait plus de travailleurs non-salariés. Cette condition n’était pas remplie à l’époque de Marx, pas même en Angleterre, et aujourd’hui encore il n’existe pas de pays où elle le soit. C’est un point essentiel du marxisme qu’il n’y a nul besoin d’attendre l’accession de toute l’économie au capitalisme intégral pour que celui-ci puisse être renversé par la révolution communiste !

Savoir donc si les schémas sont plus ou moins probants sur le plan comptable ou ce qui doit se passer pour que ces comptes soient justes n’est pas l’aspect vital de l’analyse tant de la mécanique du capitalisme que de la trajectoire de sa ruine. Deux choses sont vraies : les schémas abstraits de Marx marchent bien et le capitalisme réel marche ignoblement.

La théorie de l’accumulation progressive n’est pas encore la théorie historique des crises inéluctables de l’économie capitaliste. Notons encore ce point de la plus grande importance : entre la doctrine de la circulation du capital qui nous semble assimilée maintenant et celle de la reproduction élargie, s’interpose la théorie du capital fixe et circulant qui se trouve dans la seconde section et qu’il nous faut décortiquer.

Dans la reproduction simple, le capital constant et le capital variable qui forment la totalité du capital avancé restent inchangés à chaque cycle, et la survaleur est consommée par les capitalistes tandis que les ouvriers dépensent le capital variable. On trouve facilement la relation postulant la présence sur le marché d’autant de moyens de consommation nécessaires à la dépense tant du gain des capitalistes que du salaire des ouvriers; nous y reviendrons quand nous parlerons des deux sections en acceptant l’hypothèse que n’existent que des capitalistes individuels ou des salariés. Mais quand on passe à la reproduction élargie, une partie de la survaleur est soustraite à la consommation des capitalistes et sert à acheter de nouveaux biens-capitaux qui doivent se trouver disponibles dans la société. Le plus simple, dit Marx, est de supposer (comme nous le savons) que toute la survaleur passe au nouveau capital; autrement dit, Marx élimine déjà les personnes et les ventres des capitalistes et démontre, ce faisant, que le capital continue à fonctionner (cas bien connu de la Russie). Mais le fait qu’un tel schéma soit juste n’explique rien, parce que tous les équilibres ne s’établissent qu’entre capitaux circulants qui, dans notre science économique, sont le capital véritable, somme en valeur de l’ensemble des produits sociaux. Mais pour faire marcher une machine de plus valant mille livres sterling, nous n’aurons tiré des schémas que les dix livres d’usure annuelle : où prendre le reste ? Marx aurait immédiatement répondu que ce reste incomparablement plus grand, comme par exemple les bâtiments, n’est pas un véritable capital productif mais un capital fixe, patrimoine social. C’est le fameux « travail humain objectivé » fourni par toutes les générations et accaparé par la classe-État dominante. Historiquement, ce patrimoine s’est formé au cours de l’accumulation initiale, ou primitive, décrite dans le Livre I, et Marx proclame que le capital dans son ensemble s’est formé de la sorte. L’effet est donc évident du heurt entre la forme pleinement bourgeoise et les formes économiques pré-bourgeoises que Luxembourg introduit à juste titre, sans rien ajouter au marxisme; pour ce dernier, c’est une vérité classique que ce contact doit avoir lieu tant historiquement que géographiquement; il s’agit là d’un autre champ d’investigation de notre organisation, qui a trait au redoutable problème des peuples « arriérés ».

Théorie des crises

L’autre observation qui ne doit pas sembler paradoxale tant elle est évidente est qu’il n’est pas nécessaire d’aborder l’accumulation progressive pour démontrer l’inévitabilité des crises de la production capitaliste.

La doctrine marxiste fait son apparition dès la reproduction simple. Il est fondamental que le capitalisme soit condamné à accumuler en accroissant le capital social même au prix du sacrifice de tous les privilèges et de la vie même des capitalistes-personnes à ce fait inexorable. Malgré tout, même dans l’humble hypothèse de la stabilité du capital social, dans la reproduction simple, Marx avance la preuve de la théorie des crises. Cela signifie, en d’autres termes que tenaillé, dans sa course turbulente, par l’exigence de produire davantage de survaleur pour que s’accroisse le volume du capital social, le monde capitaliste ou un de ses secteurs peuvent nous faire assister à des phases de « reproduction régressive » aussi bien qu’aux phases irrésistibles d’accumulation progressive. Nous prouverons, comme à l’accoutumé, que nous n’avons rien découvert.

Même dans le cadre de la malheureuse formule immédiatiste qui aboutirait à ce que Marx qualifie par dérision de « généralisation de la misère », avec sa répartition de la survaleur entre les salariés, la machine économique resterait mercantile et capitaliste et serait sujette à des soubresauts lorsque son fonctionnement, si mesuré soit-il, entrerait en crise.

Le paragraphe sur la reproduction simple qui précède celui sur « l’accumulation et la reproduction sur une échelle agrandie » (où il est dit que « le plus simple est d’admettre que toute la plus-value s’accumule »[51]) occupe les pages 110 à 133 de l’édition française. Nous extrayons la théorie des crises proprement dite des pages 129–130.

Dans ce passage, Marx fait l’hypothèse opposée à celle qui est à la base de la « vérification » des schémas : tout n’est pas vendu ni consommé. Le produit final M′ doit être vendu afin qu’il se divise, dans la reproduction simple, en m et M d’où repart le cycle. Mais « peu importe pour le moment que M′ soit acheté par le consommateur définitif ou par le commerçant qui veut le revendre »[52]. Puis, peu après la remarque préalable déjà connue et d’où il ressort que l’impulsion est le besoin qu’a le capital de se reproduire et non les fameuses offre et demande de messieurs les « circulationnistes » ni même les besoins à satisfaire des êtres humains, il poursuit : « Dans certaines limites, le procès de reproduction peut se faire sur la même échelle ou sur une échelle agrandie, bien que les marchandises qu’il élimine[53] n’entrent pas réellement dans la consommation individuelle ou productive. La consommation des marchandises n’est pas impliquée dans le mouvement circulatoire du capital d’où elles sont sorties.(…) Tant que le produit se vend, tout suit son cours normal au regard du producteur capitaliste, et le mouvement circulatoire de la valeur-capital n’est pas interrompu. Si ce procès est élargi et que, par suite, la consommation productive des moyens de production soit également élargie, cette reproduction du capital peut s’accompagner d’une consommation individuelle plus grande de la part des ouvriers [concernant la formule de la reproduction élargie, il ne faut pas oublier que lorsque la dépense nouvelle en marchandises augmente, Marx admet, avec la croissance du capital avancé, si son taux de composition organique change, la croissance du capital constant mais pas celle du capital-salaires, que ce soit relativement ou absolument; cette dernière hypothèse ne sera pas faite avant Luxembourg dans son travail sur les schémas de la troisième partie[54]], la consommation productive étant le commencement et l’intermédiaire de ce procès[55]. Il se peut donc que la production de la plus-value s’accroisse (…), que tout le procès de reproduction se trouve en plein essor, que cependant une grande partie des marchandises [produites] n’entre qu’en apparence dans la consommation et stationne en réalité, sans être vendue, entre les mains des revendeurs [les grossistes qui auraient déjà payé le capitaliste producteur et réinvestisseur] et reste en somme sur le marché. Les marchandises succèdent aux marchandises et l’on s’aperçoit finalement que le premier lot n’a été absorbé qu’en apparence par la consommation. Les capitaux-marchandises se disputent la place sur le marché. Voulant vendre à tout prix, les derniers arrivés vendent au-dessous du prix [il s’agit, en économie marxiste, du prix de production, équivalent à la fraction constituée strictement du capital avancé et de la survaleur au taux social moyen]. Les premiers apports n’ont pas encore été liquidés que déjà les termes de paiement sont échus. Les détenteurs sont forcés de se déclarer insolvables ou de vendre à n’importe quel prix pour payer. Cette vente n’a rien à faire avec l’état réel de la demande. Elle ne se rapporte qu’à la demande de paiement[56], à l’absolue nécessité de convertir des marchandises en argent. Et la crise éclate. Ce qui la révèle, ce n’est pas tant la diminution immédiate de la demande ayant trait à la consommation individuelle [ce serait là l’explication habituelle et même ultra-moderne des économistes conformistes : voir un exemple actuel dans l’article du numéro précédent[57] sur la crise de l’agriculture américaine] que la diminution de l’échange du capital contre du capital, du procès de reproduction du capital ».[58]

Ceci est peut-être une description des crises parmi les plus éloquentes de l’œuvre de Marx. Quand le système capitaliste entre en crise, ne se manifeste pas seulement la discordance, la contradiction aiguë avec l’exigence historique qui est la sienne de s’élargir, mais l’impuissance où il se trouve à maintenir tout bonnement la circulation à un niveau constant; on a affaire, autrement dit, à une reproduction négative au regard de la reproduction simple; une partie de la valeur qui a déjà revêtu la forme de capital productif, industriel, part en fumée et la somme des moyens de production de la société circulant comme capitaux diminue de manière vertigineuse par rapport au niveau historique atteint.

Anarchie de la production

C’est dans ce cadre que prend place la démonstration bien connue des effets de l’anarchie productive du capitalisme. Le mécanisme dont notre doctrine originale révèle avec force les secrets mène à bien la tâche consistant à enfourner dans le ventre du monstre – le capital total – le legs patrimonial, c’est-à-dire le travail mort des générations passées, et le travail de l’armée prolétarienne où sont enrégimentés les vivants; il obéit ainsi, à travers de terribles vicissitudes, à la consigne de se reproduire lui-même à une échelle toujours plus monstrueuse, mais la tâche qu’il n’accomplira jamais, ou moins bien que n’importe quelle ancienne forme historique d’économie, c’est celle de proportionner les efforts productifs aux besoins rationnels des hommes.

Un des aspects de la contradiction irrémédiable est nettement apparu, comme en une trouée, dans le passage que nous venons de reproduire et de commenter sobrement, comme c’était déjà le cas dans toute notre reconstitution de la circulation des capitaux, laquelle est tout autre chose que celle des marchandises et de la monnaie. Quand nous traversons une période favorable – pour la société bourgeoise et la forme capitaliste –, quand les schémas « s’envolent » et que l’accumulation se poursuit à des rythmes positifs, la situation est la suivante : à un capital constant (et fixe) accru correspondent (voir l’Abaque) une quantité plus grande de produits mais, en général, un capital variable total réduit (part globale de la classe ouvrière) ou une part individuelle (salaire) d’autant plus réduite pour chacun de ses membres, tandis qu’avec l’augmentation de la valeur globale du produit et de la productivité du travail s’accroît la part de la classe capitaliste, et peu nous importe qu’elle soit happée par la gueule de tel ou tel de ses négriers ou par celle, plus avide de chair humaine, du seul et même monstre qui personnifie la machine sociale du capital.

Si, au contraire, les monstres (ou le Monstre) voient venir les mauvais jours, si la Crise digne de ce nom se produit (nous avons déjà cité les chiffres du 1929 américain), si le Vendredi Noir revient, les magasins regorgeront alors de marchandises invendues, les prix chuteront au-dessous du prix de production; dans un premier temps, comme l’annonce l’extrait de Marx, la distribution de biens de consommation sera plus favorable aux salariés et la classe prolétarienne dans son ensemble prélèvera davantage, même si le chômage s’engouffre dans le passage ouvert par l’écroulement des profits raflés par le capital. Cet écroulement prélude à la ruine générale, mais c’est aussi le cas de la phase où les schémas « tournent » au maximum de leurs capacités de production et de conquête des marchés. La grande crise se profile aussi derrière ce mirage : guerre, destructions militaires toujours plus impitoyables, carnages sanglants, raréfaction des biens de consommation vitaux, dévaluation de la monnaie aux mains des survivants petits-bourgeois qui ont grandi au milieu des éternelles illusions « kolkhoziennes » et « détentistes ».

Que les schémas tournent ou s’enrayent, dans l’un ou l’autre de ces cas extrêmes, le marxisme révolutionnaire aura toujours vaincu : hier, dans une bataille doctrinale en dissipant le mensonge des circulationnistes et des théoriciens du welfare qui présentent les jeux monétaires individuels, libres ou manipulés par des entremetteurs, comme d’absurdes équilibres qui s’établiraient à la fin d’une accumulation irrésistible; demain, dans une bataille révolutionnaire et une guerre sociale, lorsque la maîtrise de la vulcanologie des crises sociales permettra à la conscience théorique et à la direction stratégique du parti marxiste ressuscité d’abattre sous les coups de la dictature communiste la bête gigantesque et inhumaine du capital accumulé, quels qu’en soient les avatars : marchandises, fictions financières et bagnes d’entreprise pour esclaves salariés.

Notes :
[prev.] [content] [end]

  1. Exposé attribué à A. Bordiga. [⤒]

  2. Réunion de Parme, septembre 1958 : « La théorie de la fonction primordiale du parti politique, seul gardien et sauvegarde de l’énergie historique du prolétariat. » [⤒]

  3. Mehrwert. Nous ne conservons la traduction de ce terme par plus-value que dans les passages de la traduction Molitor de Marx à laquelle Bordiga se réfère. [⤒]

  4. Nous reproduirons les citations de Marx dans la traduction de Jules Molitor (éd. Costes, t. 5 et suiv., Paris, 1926) car c’est à elle que se réfère explicitement Bordiga. De plus, nous donnerons en note, à titre indicatif, la référence dans les Editions sociales (Le Capital, Livre Deuxième, 2 vol., Paris, 1974), plus accessibles aujourd’hui, et celle de l’édition allemande : Marx-Engels-Werke (MEW), Dietz Verlag, Berlin 1973, t. 24.
    « Mouvement circulatoire » traduit l’allemand Kreislauf, traduit par « cycle » dans les traductions récentes. [⤒]

  5. Ed. Costes (Paris, 1926), vol. 5, p. 57–58. MEW (Dietz Verlag, Berlin, 1973), t. 24, p. 38. Ed. sociales, id., p. 34.
    « L’association primitive » : die ursprüngliche Verbindung, qu’il serait préférable de traduire par « le lien premier ».
    « Les facteurs matériels » : die gegenständlichen Faktoren. [⤒]

  6. Id., p. 108. MEW, id., p. 69. Ed. sociales, p. 60. Nous donnons ici une traduction plus proche du texte allemand : « Le cycle du capital productif a pour formule générale : P … M′ – A′ – M … P. Il signifie l’exercice périodiquement renouvelé de la fonction de capital productif, donc reproduction, ou procès de production de ce capital comme procès de reproduction se rapportant à la valorisation; il signifie donc non seulement production, mais reproduction périodique de survaleur; la fonction exercée par le capital industriel sous sa forme productive, non comme fonction s’accomplissant en une seule fois, mais comme fonction se répétant périodiquement, de sorte que la reprise du cycle se trouve donnée par le point de départ même. » [⤒]

  7. En fait, c’est A – A′, comme, plus loin, A – M et M′ – A′. Bordiga s’explique un peu plus loin sur cette modification qu’il introduit dans le passage cité.
    Nous mettrons toujours entre crochets les remarques et commentaires de Bordiga placés à l’intérieur d’une citation. Les soulignements (caractères gras ou majuscules) sont de Bordiga, sauf indication contraire. [⤒]

  8. Id., p. 109. MEW, id., p. 69–70. Ed. sociales, p. 60. Nous donnons ici une traduction plus proche du texte allemand : « Tandis que sous la forme première A … A′, le procès de production, la fonction exercée par P, interrompt la circulation du capital-argent, apparaissant seulement comme médiateur entre les deux phases A – M et M′ – A′ de ce dernier, l’ensemble du procès de circulation du capital industriel, son mouvement d’ensemble dans la phase de circulation, n’est qu’une interruption et n’est, partant, que la médiation du capital productif qui, à un extrême, ouvre le cycle, et, à l’autre, le clôt sous la même forme, la forme, donc, sous laquelle reprend le cycle. La circulation proprement dite apparaît seulement comme médiation de la reproduction périodiquement renouvelée et continue du fait de son renouvellement. » [⤒]

  9. Il s’agit de Marx. [⤒]

  10. Il s’agit d’un travail mené parallèlement sur le Livre II, sous le titre « Abaco economico di Carlo Marx. Il Capitale – Libro Secondo ». [⤒]

  11. En italien : accumulazione progressiva. Il sera question plus loin de « reproduction régressive » (riproduzione regressiva). [⤒]

  12. Allusion au travail déjà mentionné dans la note 8. Bordiga y remplace le trait horizontal simple par le symbole suivant : … . [⤒]

  13. La traduction de Molitor contient évidemment un faux sens : « … der allgemeinen Form nach der Warenzirkulation angehören », signifie : « …ressortissent, de par leur forme générale, à la circulation des marchandises ». [⤒]

  14. Id., p. 116. MEW, id., p. 73–74. Ed. sociales, p. 64. [⤒]

  15. Allusion à la « Détente ». [⤒]

  16. L’« Ordine nuovo » était l’organe de Gramsci à Turin. [⤒]

  17. Id., p. 117–118. MEW, id., p. 74. Ed. Sociales, p. 65. Un passage manque dans la traduction de Molitor : « aber sobald verselbständigt durch g – w, also in der ganzen Form w – g – w, … » – mais que dire de la traduction de eingehen par « entrer », de la non-traduction du terme composé Funktionsform, ou encore du changement de genre du sujet en cours de phrase ? Nous proposons la traduction suivante : « Nous avons vu que m – a – m, en tant que circulation du revenu du capitaliste, ne se fond dans la circulation du capital que tant que m est une fraction de valeur de M′, le capital dans sa forme-fonction de capital-marchandise; mais sitôt devenue autonome avec a – m, dans la forme complète m – a – m donc, elle [la circulation du revenu du capitaliste] ne se fond pas dans le mouvement du capital avancé par le capitaliste bien qu’elle en provienne. Elle lui est liée [à la circulation du capital] pour autant que l’existence du capital présuppose celle du capitaliste et que cette dernière a pour condition sa consommation de survaleur. » [⤒]

  18. Cf. note 15. [⤒]

  19. Id., p. 118–119. MEW, id., p. 75. Ed. sociales, p. 65. [⤒]

  20. Id., p. 119. MEW, id., p. 75. Ed. sociales, p. 66. « Dans m – a – m, l’argent a seulement la fonction de numéraire; cette circulation a pour fin la consommation individuelle du capitaliste. Ce qui caractérise le crétinisme de l’économie vulgaire, c’est qu’elle fait passer cette circulation – celle de la partie du produit-valeur consommée au titre de revenu – qui n’entre pas dans le cycle du capital, pour le cycle caractéristique du capital. » [⤒]

  21. Le texte allemand dit au contraire : « le mouvement total du capital social » (des gesellschaftlichen Kapitals). [⤒]

  22. Aziendismo. [⤒]

  23. Id., p. 166–167. MEW, id., p. 101. Ed. sociales, p. 90–91. La traduction de Molitor étant entachée de graves contre-sens, nous proposerons la suivante : « Si nous considérons, par exemple, l’ensemble du produit-marchandise annuel d’un pays et que nous analysions le mouvement par lequel une partie de celui-ci remplace le capital productif dans toutes les affaires individuelles, une autre partie entrant dans la consommation individuelle des différentes classes, nous considérons M′ … M′ comme forme de mouvement aussi bien du capital social que de la survaleur ou du surproduit engendrés par ce dernier. Le fait que le capital social = la somme des capitaux individuels (y compris des capitaux par actions et du capital d’État, dans la mesure où les gouvernements emploient du travail salarié productif dans les mines, les chemins de fer, etc., et exercent la fonction de capitalistes individuels) et que le mouvement d’ensemble du capital social = la somme algébrique des mouvements des capitaux individuels, n’empêche nullement ce mouvement de présenter, en tant que mouvement du capital individuel isolé, d’autres phénomènes que lorsqu’il est considéré du point de vue d’une partie du mouvement d’ensemble du capital social, donc dans ses rapports avec les mouvements des autres parties, et en même temps de résoudre des problèmes dont la solution, lorsqu’on examine le cycle d’un capital individuel isolé, doit être présupposée, au lieu d’en résulter. » [⤒]

  24. Souligné par Marx. [⤒]

  25. Von Haus aus : de naissance. [⤒]

  26. Id., p. 67–68. MEW, id., p. 43. Ed. sociales, p. 39. [⤒]

  27. Id., p. 170. MEW, id., p. 103. Ed. sociales, p. 92. [⤒]

  28. Id., p. 147. MEW, id., p. 90. Ed. sociales, p. 80. [⤒]

  29. Id., p. 135. MEW, id., p. 83–84. Ed. sociales, p. 74. La dernière phrase de ce passage étant assez éloignée du texte allemand, nous en proposons une autre traduction : « L’accroissement constant de son capital devient la condition de son maintien. » [⤒]

  30. Nous traduisons littéralement. [⤒]

  31. Id., p. 200–201. MEW, id., p. 120. Ed. sociales, id., p. 108. Par « mode de communication », Molitor a voulu rendre l’allemand Verkehrsweise, qu’il traduit deux lignes plus loin par « mode de relations ». Enfin le « petit commerce » traduit plutôt mal das Geschäftchenmachen, plus proche, à notre avis, de l’expression française « faire ses petites affaires ». La dernière phrase du passage pourrait être traduite ainsi : « Il est d’ailleurs conforme à l’horizon de pensée bourgeois, où l’affairisme est la préoccupation exclusive, de ne pas voir dans le caractère du mode de production la base du mode de relations qui lui correspond, mais l’inverse. » [⤒]

  32. Id., p. 129. MEW, id., p. 80. Ed. sociales, id., p. 71. « Le volume des marchandises créées par la production capitaliste est déterminé par l’échelle de cette production et par son besoin d’extension ininterrompue, non par une quelconque sphère prédéterminée de l’offre et de la demande, ni par celle des besoins à satisfaire. » (Retraduit par nos soins). [⤒]

  33. « Appendice aux ‹ Éléments d’économie marxiste ›. 2 - Le formulaire économique », in Programme communiste, no. 10, 1960. [⤒]

  34. All. : Der Gesamt-Kreislauf (le cycle d’ensemble). [⤒]

  35. Id., p. 94. MEW, id., p. 61. Ed. sociales, p. 53 : « Le capital industriel est le seul mode d’existence du capital où sa fonction ne consiste pas seulement en appropriation, mais également en création de plus-value, autrement dit de surproduit. » [⤒]

  36. Id., p. 94–95. Notons que dans la version italienne, « des différentes formes de fonctions » a été omis, sans doute volontairement; cette omission repose néanmoins sur un faux sens. MEW, id., p. 61. Ed. sociales, id., p. 53 : « C’est pourquoi il [le capital industriel] conditionne le caractère capitaliste de la production; son existence implique celle de la contradiction de classe entre capitalistes et ouvriers salariés. Au fur et à mesure qu’il s’empare de la production sociale, on assiste au bouleversement de la technique, ainsi que de l’organisation sociale du procès de travail et, par cela même, du type économico-historique de la société. Les autres variétés de capital qui ont apparu avant lui au sein de conditions de production sociales révolues ou en décadence, se subordonnent à lui et subissent des modifications appropriées dans le mécanisme de leurs fonctions. Qui plus est, elles ne se meuvent plus que sur sa base : elles vivent et meurent, persistent et tombent avec cette base qu’il leur fournit. Quant au capital-argent ou au capital-marchandise, pour autant qu’ils apparaissent avec leurs fonctions à côté du capital industriel comme supports de branches d’affaires spéciales [als Träger eigner Geschäftszweige : comme supports de branches d’activité propres], ils ne représentent plus que des modes d’existence des différentes formes fonctionnelles que le capital industriel prend et rejette alternativement dans la sphère de la circulation, modes d’existence promus à l’indépendance [verselbständigt] et développés à part [einseitig : de façon exclusive] en raison de la division sociale du travail. » [⤒]

  37. Id., p. 198. MEW, id., p. 118–119. Ed. sociales, p. 106 : « Une des propriétés les plus évidentes du procès cyclique du capital industriel et, par suite, de la production capitaliste est que, d’une part, les éléments de formation du capital productif proviennent du marché des marchandises et doivent être constamment renouvelés sur ce marché, être achetés comme marchandises; et que, d’autre part, le produit du procès de travail en sort comme marchandise et doit constamment être remis en vente comme marchandise. » [⤒]

  38. Id. MEW, id., p. 119. Ed. sociales, p. 106–107. [⤒]

  39. Id.. MEW, id.. Ed. sociales, p. 107. [⤒]

  40. Verkehrsfunktionen oder Verkehrsweisen. [⤒]

  41. Id., p. 198–199. MEW, id.. Ed. sociales, p. 107. [⤒]

  42. Id., p. 199. MEW, id. La traduction n’étant pas, cela va sans dire, « des plus heureuses » (comme le remarque plus loin Bordiga), nous en proposerons une autre : « Comme, dans les catégories « économie monétaire » ou « économie de crédit », ce n’est pas l’économie, le procès de production lui-même, qui se trouve soulignée et mise en relief en tant que caractère distinctif, mais, lui correspondant, le mode de relations qu’entretiennent les différents agents de la production, les producteurs, il devrait en être de même de la première catégorie ». [⤒]

  43. Cf. A. Bordiga : « La teoria del plusvalore di Carlo Marx, base vive et vitale del comunismo » (1924), éd. Iskra, 1976. [⤒]

  44. Id. MEW, id. « Statt Naturalwirtschaft also Tauschwirtschaft. » En allemand, Tauschwirtschaft peut avoir le sens d’« économie de troc », ce qui semble être le sens que lui confère Bordiga (italien : baratto).
    Ed. sociales, p. 107 : « (Il faudrait donc) parler d’économie de troc au lieu d’économie naturelle. » [⤒]

  45. Dans Marx : « Vollständig abgeschlossene Naturalwirtschaft » [Une économie naturelle totalement fermée]. [⤒]

  46. Id. MEW, id.. Ed. sociales, p. 107 : « Une économie naturelle complètement fermée, par exemple l’État des Incas au Pérou, n’entrerait dans aucune de ces catégories. » [⤒]

  47. Il s’agit en fait du Pérou : « der peruanische Inkastaat … » (p. 119). [⤒]

  48. Id. MEW, id.. Ed. sociales, p. 107. [⤒]

  49. Id., p. 199–200. MEW, id.. Ed. sociales, p. 107. [⤒]

  50. Id., p. 200. MEW, id., p. 119–120. Ed. sociales, p. 107. Rappelons que chez Molitor, « fonctionnement » traduit l’allemand die Funktion. [⤒]

  51. Id., p. 136. MEW, id., p. 84. Ed. sociales, p. 74. [⤒]

  52. Id., p. 129. MEW, id., p. 80. Ed. sociales, p. 71. [⤒]

  53. All. : die aus ihm ausgestossenen Waren…(les marchandises qu’il déverse). [⤒]

  54. C’est-à-dire de la 3e section du Livre II. [⤒]

  55. All. : da er durch produktive Konsumtion eingeleitet und vermittelt ist : puisque c’est la consommation productive qui amorce ce procès et lui sert de médiation. [⤒]

  56. All. : Nachfrage nach Zahlung : souligné par Marx. Tous les autres soulignements sont de Bordiga. [⤒]

  57. Cf. Il programma comunista, 8e année, no. 23. [⤒]

  58. Id., p. 129–131. MEW, id., p. 80–81. Ed. sociales, p. 71 : « Dans certaines limites, le procès de reproduction peut se dérouler sur la même échelle ou sur une échelle élargie, bien que les marchandises déversées par lui ne soient pas entrées réellement dans la consommation individuelle ou productive. La consommation des marchandises n’est pas incluse dans le cycle du capital dont elles sont issues. (…) Tant que le produit se vend, tout est en règle au point de vue du producteur capitaliste. Le cycle de la valeur-capital, dont il est le représentant, ne s’interrompt pas. Et si ce procès s’élargit, – ce qui inclut un élargissement de la consommation productive des moyens de production, – cette reproduction du capital peut être accompagnée par une consommation individuelle élargie (donc, une demande élargie) des ouvriers, puisque le procès s’ouvre et est rendu possible par [vermittelt durch : médiatisé par] la consommation productive. Il se peut donc que la production de plus-value, et avec elle la consommation individuelle du capitaliste, s’accroissent et que le procès de production tout entier se trouve dans l’état le plus florissant, pendant qu’une grande partie des marchandises ne sont entrées qu’en apparence dans la consommation et restent sans trouver preneur dans les mains des revendeurs, donc en fait se trouvent toujours sur le marché. Voici que les vagues de marchandises se succèdent, tant que, à la fin, on s’aperçoit que la première vague n’a été absorbée par la consommation qu’en apparence. Les capitaux-marchandises se disputent la place sur le marché. Les derniers arrivés, pour vendre, vendent au-dessous du prix, tandis que les premiers stocks ne sont pas encore liquidés à l’échéance des paiements. Leurs détenteurs sont obligés de se déclarer insolvables ou de vendre à n’importe quel prix pour payer. Cette vente ne correspond nullement à l’état réel de la demande; elle ne correspond qu’à la demande de paiement, à l’absolue nécessité de convertir la marchandise en argent. La crise éclate. Elle devient manifeste non par la décroissance directe de la demande d’objets de consommation, de la demande pour la consommation individuelle, mais par la décroissance de l’échange entre capitaux, du procès de reproduction du capital. » [⤒]


Source : « Il Programma Comunista », Nr. 22–23 1959 et Nr. 1 1960

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