BIGC - Bibliothèque Internationale de la Gauche Communiste
[home] [content] [end] [search] [print]


PRÉCISIONS SUR MARXISME ET MISÈRE ET LUTTE DE CLASSES ET « OFFENSIVES PATRONALES »


Content :

Précisions sur marxisme et misère et lutte de classes et « offensives patronales »
Source


Sur le fil du temps

Précisions sur marxisme et misère et lutte de classes et « offensives patronales »

Le passage de Marx sur la loi générale de l’accumulation, cité dans les deux articles précédents doit être donné dans une traduction fidèle à l’original allemand.
« Plus la richesse sociale est grande – le capital en fonction, la grandeur et l’énergie de sa croissance donc, aussi, le nombre absolu des prolétaires (die absolute Grösse des Proletariats) et la force productive de leur travail – plus l’armée industrielle de réserve augmente. Les mêmes causes développent la force de travail disponible et la force d’expansion du capital. La grandeur proportionnelle de l’armée industrielle de réserve croit donc avec la puissance (Potenz) de la richesse. Plus cette armée de réserve grossit par rapport à l’armée active du travail, plus la surpopulation consolidée (konsolidierte) s’accroît dont la misère est en rapport inverse (im umgekehrten Verhältnis) à son tourment de travail (Arbeitsqual). Plus s’accroît enfin cette couche de Lazare de la classe ouvrière et de l’armée industrielle de réserve, plus est grand le paupérisme officiel. Voilà la loi absolue, générale de l’accumulation capitaliste ». (Werke, tome 23, pp.673–674).

Et Marx d’ajouter : « L’action de cette loi, comme de toute autre, est naturellement modifiée par des circonstances multiples, dont l’analyse n’est pas nécessaire ici ». (ibid. p.674). Il faut donc se reporter pour cette analyse détaillée aux Livres II, III et IV incomplets de l’œuvre de Marx, qui ont donné lieu, au sujet de l’accumulation, aux grandes controverses de Hilferding, Kautsky, Luxembourg, Boukharine, etc.

Il ne faut pas confondre l’application d’une loi simple au champ plus complexe des phénomènes réels (application habituelle dans la science ou dans l’étude des modifications de ses effets) avec l’abandon ou la modification de la loi générale. Ainsi, par exemple, les lois de Kepler ou de Newton sur le mouvement des planètes ne sont pas contredites par les calculs des diverses perturbations mutuelles des orbites dans le système solaire, où les planètes sont nombreuses et, dans le cas donné, il ne faut pas négliger l’effet de l’attraction entre deux planètes, ainsi qu’entre toutes les planètes et la masse dominante du soleil.

De même que l’astre central et une planète ne seront jamais seuls, la classe capitaliste et la classe ouvrière industrielle ne seront jamais seules dans la société réelle.

Ainsi, dans le même chapitre, Marx met en relation l’existence des classes rurales et les effets du rapport étudié avec la diffusion du capitalisme et la composition de la classe ouvrière.

En tout cas, il est important de souligner que jamais Marx n’a étudié un milieu où il n’y avait que capitalistes et salariés. Ce milieu est absurde : il a été étudié et supposé vainement par Proudhon et ensuite par les syndicalistes de tout genre ainsi que les théoriciens des organisations d’entreprise les plus récents étant toujours encore valide, la première et la plus simple des lois du marxisme considère les éléments suivants : la classe capitaliste les travailleurs salariés et employés; les travailleurs non employés, mais qui ne peuvent pas sortir de la classe prolétaire.

Avec son style d’une rigueur parfaite, Marx expose tout le jeu des quantités qu’il étudie, en étant convaincu de rendre la théorie plus accessible aux ouvriers que s’il avait adopté un appareil mathématique.

Rosa Luxembourg discute avec des déductions numériques sur la répartition de la production entre capitalistes et ouvriers. Boukharine adopte la formulation algébrique. Pour l’heure, la question n’est pas là : elle sera étudiée ailleurs. Nous faisons ici la modeste observation : le calcul doit tenir compte de la surpopulation relative, qui reste prolétaire, vit et consomme donc des produits qui sont comptabilisés et issus de formes inférieures et anormales du travail, de ventes de moyens de subsistance achetés au moment où les chômeurs travaillaient encore de la solidarité des autres sans-réserves, enfin des mesures tout aussi pouilleuses que la charité des biens-lotis et du réformisme légalitaire. Ce qui paie reste toujours le travail de la minorité ouvrière occupée, au travers du système complexe de l’économie moderne de caractère privé, associé et public.

D’ailleurs, le « Manifeste » avait déjà dit qu’un des signes annonciateurs de la disparition de la bourgeoisie est qu’elle « est forcée de le laisser descendre à une condition où elle doit le nourrir au lieu d’être nourrie par lui ». Ce sont les différentes institutions répugnantes des fonds de chômage qui montrent que « la chute de la bourgeoisie et la victoire du prolétariat sont également inévitables ». (p.79–80 des éditions Costes, 1953).

Reprenons la description des couches de la population ouvrière que Marx lie à sa loi générale, après qu’il se soit demandé : quel est l’effet produit par le mouvement de l’accumulation capitaliste sur le sort de la classe salariée ?

L’essentiel de cet exposé est simple.

L’accroissement du capital social ou accumulation (à part la diminution du nombre des capitalistes et des entreprises et l’augmentation rapide du poids économique de chacune d’entre elles : concentration, centralisation dont il est question au début du chapitre XXV) détermine, en général, avec le progrès technique, une moindre proportion de capital-salaire par rapport au capital total.

Donc, en général, la masse du capital-salaire continue à augmenter.

Dans une phase ascendante, d’expansion, de prospérité, il y a : augmentation du nombre des salariés occupés dans l’industrie; augmentation également du taux des salaires; augmentation aussi de la productivité du travail.

Dans une phase descendante, de contraction, de crise, il y a : augmentation, mais trop lente, ou stagnation du capital-salaire total; le nombre des prolétaires continue à augmenter; diminution du nombre des prolétaires qui travaillent; formation et élargissement de l’excédent relatif de la population ouvrière ou armée de réserve.

Marx divise donc toute la population ouvrière, la classe prolétarienne, entre les couches suivantes :
1/ Armée industrielle active, les ouvriers occupés.
2/ Surpopulation fluctuante, ouvriers qui entrent et qui sortent des usines selon l’évolution de la technique et la division du travail différente qui se développe.
3/ Surpopulation latente, ou ouvriers industriels qui arrivent de la campagne lorsqu’il le faut et ne peuvent vivre que difficilement dans les marges de l’économie agraire.
4/ Surpopulation stagnante, rarement nécessaire à la grande industrie, travailleurs à domicile, ouvriers des activités marginales dont les salaires sont très bas…
5/ Paupérisme officiel : a) chômeurs chroniques, bien qu’aptes au travail; b) orphelins ou fils de pauvres, invalides ou inaptes au travail, veuves…
6/ En dehors de la classe ouvrière, et dans ce qu’on appelle le lumpenproletariat : délinquants, prostituées, ainsi que ceux qui vivent d’expédients de toutes sortes.

Lorsque le capitalisme est né et se développe, toute cette masse, à cause du procès expropriateur de l’accumulation primitive, perd toute possibilité de vivre, sinon en salariée. Mais il n’y a qu’une minorité qui a la chance de percevoir le salaire : le reste vit comme il peut. Les lois de la population des économistes bourgeois sont illusoires, la réalité, c’est que les diverses couches qui fluctuent vivent d’autant plus mal qu’elles ne travaillent pas, à l’instar de « certaines espèces faibles et continuellement persécutées ».

Après ce rappel fondamental, prémisse aux analyses ultérieures sur l’accumulation, le passage de Marx sur la loi absolue est clair.

Il est clair que l’antagonisme découvert par Marx ne se situe pas dans l’entreprise bourgeoise et n’est pas l’antagonisme entre la marchandise que représente l’ouvrier et la part élevée dévolue au patron. C’est l’antagonisme dans le domaine de la société, entre les classes, entre la classe bourgeoise qui se contracte, et la classe prolétaire qui se dilate.

Dans le calcul de la répartition de la plus-value entre la consommation personnelle du patron, les investissements nouveaux pour les installations fixes et les matières premières, les nouveaux salaires, il faut faire attention à ceci : ne pas diviser la masse des salaires par le nombre des ouvriers occupés, mais par le nombre total des prolétaires.

Dans le premier cas, on voit le salaire monter en même temps que les louanges adressées au capitalisme civilisé et progressif.

Dans le second cas, on voit augmenter la faim et la misère de la surpopulation et gonfler l’antagonisme de Marx, prémisse de la révolution sociale.

La loi est absolument claire. Accumulation plus grande, bourgeois moins nombreux. Plus d’accumulation, plus nombreux encore les prolétaires à demi occupés et en chômage; le poids mort de la population surnuméraire, sans réserve, augmente. Plus d’accumulation, plus de richesse bourgeoise et plus de misère prolétarienne.

Le faux marxisme se résume dans la thèse suivante : le travailleur peut conquérir des positions avantageuses : a) dans l’état politique au moyen de la démocratie libérale; b) dans l’entreprise économique avec des augmentations de salaire et les revendications syndicales. Et tout cela parallèlement à l’augmentation de l’accumulation du capital. Le faux marxisme flirte avec cette doctrine : la production accrue est augmentation de richesse sociale à répartir entre « tous ». C’est trahir complètement la loi fondamentale du marxisme.

De cet exposé découle, d’une part l’étude théorique et économique de l’accumulation la plus moderne, d’autre part une conclusion sur la stratégie de la lutte de classe.

Avec ces données historiques, nous sommes donc en mesure de démontrer ceci : au centre du faux marxisme et au sommet de la trahison, nous trouvons la théorie de l’offensive patronale bourgeoise et capitaliste affirmée soit dans le secteur de l’état ou de l’économie, soit dans la pratique des « blocs » et du « front unique », son odieux rejeton.


Source : « Battaglia Comunista » Nr. 40 – 26 octobre – 02 novembre 1949. Traduction incertaine, se reporter au texte original.

[top] [home] [mail] [search]