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PROJET DE CONSTITUTION D’UN BUREAU INTERNATIONAL D’INFORMATION


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Projet de constitution d’un Bureau International d’Information
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Projet de constitution d’un Bureau International d’Information

Nous publions ci-dessous un projet pour la constitution d’un « Bureau international d’information ». Ce projet fut élaboré en mai 1933. La dispersion des forces révolutionnaires nous a mis dans l’impossibilité de le soumettre à une discussion internationale régulière. D’autre part, il nous fut totalcment impossible de le publier en langue française. Néanmoins notre fraction l’a examiné et l’a approuvé à l’unanimité.

La C.E. de notre fraction croyait pouvoir convier à une première initiative internationale l’Opposition Unifiée Française et la Gauche Communiste allemande. Ces deux groupes, qui ne sont guère différenciés politiquement entre eux, n’ont pas cru devoir prendre en considération notre projet. C’est pour cette raison que nous avons été dans l’obligation d’éditer le présent bulletin.

I

L’avènement du fascisme en Allemagne commande aux révolutionnaires communistes de tirer, sans délai, des conclusions politiques fondamentales.

Pour le mouvement prolétarien 1914 a signifié le passage définitif de la social-démocratie au service du capitalisme. Ce n’est certes pas dans ce document qu’il nous sera possible d’expliquer comment cette fonction de la social-démocratie s’est à nouveau affirmée au travers des événements d’Allemagne. Nous nous bornerons seulement à réaffirmer ce postulat fondamentalement acquis : le parti socialiste est une des forces ennemies de la révolution prolétarienne. Il s’ensuit que toute formation, soi-disant de gauche, provenant des partis social-démocrates, ne peut avoir qu’une fonction centriste pouvant permettre à l’ennemi capitaliste de garder sous son influence des couches d’ouvriers d’avant-garde. Le processus d’évolution, vers le communisme, de la base de ces formations centristes ne peut se faire qu’après la rupture totale et radicale avec les partis qui ont trahi après 1914 et qui n’ont, depuis lors, fait que servir les intérêts du capitalisme. Aucune base politique de travail commun avec celles-ci n’est possible sans la scission préalable et l’adhésion aux principes de l’insurrection prolétarienne, de la nécessité du parti pour l’insurrection et pour l’organisation de la dictature du prolétariat. Au reste, ces principes forment le contenu des bases constitutives de l’I.C.

Les partis indépendants doivent être considérés comme des ponts que la social-démocratie voit s’établir entre elle et les ouvriers d’avant-garde, et nullement comme des organismes pouvant mener au communisme.

Les éléments provenant du communisme qui ont rallié ces formations intermédiaires, dans le vain espoir de trouver une base de masse pour le regroupement des forces révolutionnaires, doivent trouver, dans les derniers événements d’Allemagne – crise du S.A.P. – l’alerte définitive pour quitter ce chemin tortueux, afin d’aborder les problèmes difficiles et ardus de la construction des fractions de gauche.

II

La fonction historique du centrisme s’est manifestée, en Allemagne, dans toute son ampleur. Le centrisme lui-même n’est nullement l’invention de Staline, mais découle de lacunes d’ailleurs inévitables dans la solution donnée aux rapports d’un État prolétarien avec le mouvement révolutionnaire mondial, au procédé de constitution de l’Internationale Communiste, ainsi qu’à sa politique générale. Actuellement, l’expérience faite par le centrisme nous oblige à définir clairement et à étudier de la façon la plus profonde ces problèmes.

Déjà, en 1922, le Traité Commercial de Rapallo, entre l’Allemagne et l’Union Soviétique, ne donna pas une solution communiste aux problèmes des rapports entre l’État prolétarien et le capitalisme. En effet, ce traité ne fut pas un facteur positif pour le mouvement révolutionnaire international et ne facilita pas, en 1923, la victoire du prolétariat allemand, qui aurait soudé l’Allemagne soviétique à l’U.R.S.S., pour le triomphe de la révolution mondiale.

En 1927, la victoire du centrisme, le socialisme en un seul pays, s’exprima par l’ordre catégorique donné, par la bureaucratie soviétique, au P.C.A. de chasser de ses rangs, tous les courants, tous les militants, s’opposant à la scission syndicale, à la théorie du national-communisme et du social-fascisme. Et c’est à la faveur de ces positions politiques imposées à l’avant-garde prolétarienne allemande, que le capitalisme a pu vaincre et que le fascisme est venu au pouvoir.

En outre, le P.C.A. a toujours été la force essentielle de l’I.C. dans les pays capitalistes. Avant 1927, la politique et la tactique appliquées en Allemagne s’inspirent surtout des principes acquis par les bolchéviks russes, au travers de la Révolution d’Octobre, et qui appartiennent au prolétariat mondial. Après 1927, le P.C.A. reste toujours le parti le plus puissant de l’I.C. et est un facteur de premier ordre dans la situation intérieure de l’Allemagne. C’est alors que le capitalisme, de par le nouvelle situation économique, doit modifier l’organisation de la société par l’instauration du fascisme et la montée du fascisme procède de pair avec la lutte du centrisme contre la gauche internationaliste.

Tirer le bilan des événements d’Allemagne signifie, par conséquent, établir, pour les révolutions futures, la notion de principe des rapports entre l’État prolétarien et le mouvement ouvrier international, et compléter le patrimoine idéologique surgi de la révolution russe en élaborant de nouveaux fondements de principe concernant la tactique des partis communistes. Voilà quelques-unes des tâches essentielles des fractions de gauche.

Au point de vue de nos rapports avec le centrisme, la signification des événements d’Allemagne doit se traduire par un travail politique qui, loin de se figer dans la perspective de redresser les partis, s’assigne, d’ores et déjà, comme but, celui de former des cadres pour les nouveaux partis communistes. On peut également affirmer que les partis communistes parviendront à diriger les ouvriers vers la révolution à la condition que les cadres formés par la fraction de gauche en prennent la direction.

III

Le fondement d’une organisation politique repose sur la notion de la classe. La lutte des classes s’exprime autour du problème de l’État. Le capitalisme luttera pour défendre, au travers de la machine étatique, son régime; le prolétariat luttera pour sa destruction et pour l’instauration de l’État prolétarien.

Un parti de classe se fonde sur la notion de la lutte ouvrière contre et pour la destruction de l’État capitaliste.

Au point de vue international, le prolétariat ne trouve pas devant lui un État capitaliste mondial et unifié, mais une série d’États qui, tout en étant solidaires pour la conservation du régime de la propriété privée, sont poussés à déverser les contradictions du système dans l’alternative de la guerre entre les prolétaires des différents pays, pour éviter l’autre alternative qui aboutit au triomphe de la révolution mondiale. De ce fait, la constitution de l’Internationale suit un processus beaucoup plus compliqué que celui de la construction d’un parti et le problème même de l’établissement des rapports internationaux, fussent-ils très élémentaires, présente de grandes difficultés. Cela, bien entendu, en vue de l’édification de l’organisation du prolétariat international, et non seulement de l’établissement de simples liaisons.

Tout parti peut être fondé seulement selon des considérations internationales. Il n’est nullement exclu qu’un seul parti puisse déterminer les assises politiques de toute une Internationale, et cela en fonction de la position historique d’un pays dans l’évolution sociale du monde. Mais ce parti réalisera pratiquement cette fonction s’il peut s’appuyer sur les formations correspondantes dans d’autres pays et qui représentent une tradition révolutionnaire de travail, un courant profond de la classe ouvrière. Si, par contre, ce parti utilisait son expérience supérieure pour décrocher des adhésions superficielles dans tous les pays, au lieu de contribuer à la formation de l’Internationale, il s’exposerait lui-même à une désagrégation future.

Pour ce qui concerne l’I.C. et le processus de sa formation, il faudra examiner ses méthodes initiales, afin de mettre en évidence les erreurs qui auraient été commises à cette époque.

Lors de la Nep, les premières difficultés graves de la révolution russe dérivaient du fait que la révolution mondiale n’avait pas suivi le cours prévu par les bolchéviks. Dès ce moment, la tâche de construction de l’I.C. ne pouvait plus se borner au seul parti russe. Mais les autres sections de l’Internationale qui n’étaient pas en condition d’aider le parti dans sa tâche en Russie, étaient encore moins aptes à recevoir l’héritage du parti russe pour construire l’I.C. Le centrisme du P. C. R. devait trouver, dans les autres sections de l’I.C., l’appui qui lui était nécessaire dans sa lutte contre la gauche marxiste et son dirigeant Trotski.

En 1927, la théorie du socialisme dans un seul pays devait signifier une rupture principielle avec les principes mêmes de l’I.C. La lutte des fractions à cette époque pouvait encore s’orienter vers une perspective de régénérescence de l’I.C. et cela parce que la situation mondiale comportait la possibilité de la polarisation de la révolution mondiale autour de la Russie Soviétique.

Lénine disait que l’époque de l’impérialisme capitaliste est l’époque des guerres et des révolutions. Le processus historique partant d’Octobre 1917, pour aboutir à la révolution mondiale s’est croisé avec un courant contraire qui peut aboutir vers une nouvelle guerre, avant de rejoindre le chemin de la révolution. La condition que l’impérialisme mondial devait réaliser pour la nouvelle guerre consistait surtout dans l’écrasement des organisations de classe du prolétariat allemand. L’I.C. a signé son acte de mort en se refusant à mobiliser le prolétariat mondial contre l’avènement du fascisme en Allemagne et en transmettant ses fonctions et celles de l’Internationale Syndicale Rouge aux parodies sinistres genre Amsterdam et Copenhague.

IV

Face à la mort de l’I.C. se pose le problème de la formation des cadres capables de reconstruire l’organisation internationale du prolétariat. Dans ce but il est nécessaire de fonder des fractions de gauche dans chaque pays. La base politique de celles-ci doit être trouvée, en tout premier lieu, dans les fondements mêmes de l’I.C. et se parfaire, à la suite d’une critique de tous les événements d’après guerre. Cette critique représenterait l’apport spécifique de chaque prolétariat aux problèmes que l’I.C. n’a pu résoudre lors de sa fondation.

Pour la délimitation idéologique d’un courant de gauche au sein des partis communistes, les matériaux n’existent pas encore. La formation de courants de gauche a été compliquée du fait que la droite n’a pu s’épanouir sous une forme comparable aux courants droitiers de la IIe Internationale (Bernstein). Jusque maintenant, les luttes de tendances parmi les groupes d’Opposition ont été extrêmement confuses. A tel point que la situation allemande a vu coïncider les opinions du camarade Trotski et du camarade Brandler. Cette confusion trouve son expression dans la formule courante de l’adhésion aux quatre premiers Congrès de l’I.C. comme base d’organisation des Opposition de gauche. La tâche des fractions de gauche est évidemment plus vaste et plus profonde : il s’agît, tout en se basant sur les fondements de l’I.C., de passer an crible de la critique, et à la lumière des événements, les Congrès de l’I.C. et des différents partis, afin de parachever l’œuvre que nous a léguée la révolution russe. A ce point de vue, la délimitation est actuellement impossible, et il serait arbitraire de la déterminer sur la base de la plate-forme de l’opposition russe. L’expérience du Secrétariat International de l’Opposition Internationale de gauche (bolchévik-léniniste) est concluante à ce sujet.

V

Sur la base des considérations émises au sujet de l’Internationale et du parti, et tenant compte de la confusion politique qui existe actuellement, nous proposons comme critère d’orientation les deux notions suivantes :

a) Dans chaque pays il faudra déterminer une critique politique entre les différents groupes communistes qui se revendiquent du communisme et du 2ème Congrès de l’I.C. Ceci dans le but d’établir une plate-forme politique sur les problèmes nationaux et internationaux. Il faudra convier à ce travail les groupes faisant partie de l’Opposition Internationale de gauche. Leur prétention de posséder des points de vue définitifs, a été parfaitement démentie par les événements qui les ont obligés à modifier fréquemment leur base politique.

b) Un centre d’information international est constitué avec la fonction de relier les groupes des différents pays. Il éditera une revue internationale « Bilan » qui se donnera pour but l’examen des événements historiques de l’après-guerre afin d’en tirer des thèses politiques susceptibles de déterminer la base de la fraction internationale de gauche de l’Intern. Com. La revue devra contenir aussi une documentation politique émanant des organismes responsables des différents groupes nationaux et son comité de rédaction aura pour mandat impératif de ne traiter qu’avec ces derniers. A ces fins, et pour des raisons pratiques, nous proposons que la Gauche Communiste Allemande, l’Opposition Unifiée Française et la fraction de gauche du P.C.I. soient chargées d’éditer la revue, sitôt les questions financières et matérielles résolues.

VI

Le Comité de rédaction n’aura que des fonctions purement provisoires et après une première délimitation idéologique – élaboration de deux ou trois plateformes de sections nationales – il devra procéder à la convocation d’une Conférence dans le but d’élire un Bureau International. Rien que par après, en correspondance étroite avec les bases politiques du mouvement communiste international, il sera possible de passer à la forme supérieure d’une stricte discipline reliant les différentes sections.

Ces méthodes de travail nous paraissent être les équivalentes de celles appliquées par Marx et Engels après la fin de la Ière Internationale et qui ont favorisé la création de la IIe Internationale. D’une façon analogue, les bolchéviks russes ont travaillé après la trahison de 1914, jusqu’en 1919. Il est impossible d’opposer les Conférences de Zimmerwald et de Kienthal aux méthodes que nous préconisons : contrairement aux opinions courantes elles n’eurent pas pour but de reconstruire l’Internationale, ou une de ses fractions, mais eurent pour but la reprise des relations pour la lutte contre la guerre. En outre, y assistaient les délégués de tendances socialistes les plus diverses.

Ce qui ne put étre réalisé entre 1914 et 1919, c’est-à-dire l’établissement de rapports internationaux pour la formation des cadres pour les partis communistes, doit être effectué dans la phase supérieure du développement actuel de la lutte révolutionnaire. C’est là la seule voie qui permette au prolétariat de sortir victorieux des épreuves terribles que la situation lui réserve.

La Fraction de gauche du P.C.I.


Source : « Bilan » Nr.1, novembre 1933.

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