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LÉNINE ET L’ABSTENTIONNISME


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Lénine et l’abstentionnisme
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Lénine et l’abstentionnisme

Le camarade Graziadei, exposant il y a quelques jours aux socialistes français la situation du Parti socialiste italien et faisant allusion au fonctionnement de la Troisième Internationale, a rappelé que Lénine est si favorable à une raisonnable autonomie de l’action pratique dans les différents pays qu’il s’est félicité de la décision prise par le Congrès de Bologne de participer aux élections générales du parlement bourgeois, résolution pourtant combattue par une minorité convaincue de mieux interpréter la pensée du grand homme politique de la Russie socialiste.

Cette minorité ayant défendu et amplement discuté la thèse de la non-participation aux élections législatives dans ce journal avant même de l’exposer au congrès de Bologne, il faut maintenant faire la lumière sur cette affirmation peu exacte du camarade Graziadei.

La tendance communiste abstentionniste n’a jamais, quoi qu’on dise, prétendu être la plus fidèle interprète de la pensée de Lénine. Elle a toujours soutenu que le bolchevisme russe n’a rien de nouveau du point de vue théorique, comme Lénine lui-même le reconnaît; le bolchevisme n’est en effet rien d’autre que le retour au marxisme le plus rigide et le plus sévère : dans toutes ses affirmations et ses polémiques, c’est au reste à lui que Lénine fait constamment appel.

La coïncidence fréquente entre nos directives et celles de Lénine démontre que les deux courants sont issus du même tronc et se développent dans la même direction.

Si nous avons soutenu et soutenons la non-participation du P.S.I. au parlement et autres organes de l’État bourgeois, c’est parce que nous jugeons que la période historique actuelle est révolutionnaire, que dans une telle période, la fonction spécifique du parti est d’abattre l’État bourgeois, et qu’il doit la remplir.

Cette manière de voir qui est la nôtre coïncide exactement avec une des conclusions du rapport de Lénine au Congrès de la Troisième Internationale de Moscou.

Nous donnons une valeur beaucoup plus grande que ne le fait Lénine à cette non-participation, car nous considérons qu’elle est d’autant plus nécessaire et impérieuse que les pays occidentaux sont plongés depuis plus longtemps dans les délices de la civilisation démocratique chère à Turati et aux siens, et que les racines de celle-ci sont d’autant plus difficiles à arracher.

Nous considérons que la contradiction évidente entre les conclusions du rapport et les deux lettres du même Lénine résulte du peu d’importance qu’il attribue aux institutions démocratiques, qui en Russie n’ont eu qu’une vie brève et précaire et qui, n’étant pas familières aux masses, n’ont pas pu exercer sur elles une grande influence comme chez nous, où celle-ci a été encore renforcée par les partis de gauche et en particulier par le P.S.I. qui pendant des années a assidûment travaillé à valoriser ces institutions.

Quant à l’autonomie de la tactique dans les diverses nations, nous sommes résolument contre. Depuis quelque temps, au contraire, nous insistons pour que les représentants des partis de la Troisième Internationale se réunissent à nouveau en congrès, précisément pour se mettre d’accord sur la tactique et l’unifier.

L’absence d’une rigoureuse uniformité dans la tactique fut une des causes de la grande faiblesse de l’Internationale d’avant-guerre et elle a eu les conséquences les plus pénibles et les plus malheureuses.

Répéter la même erreur dans la Troisième Internationale signifierait l’exposer à de nouvelles surprises et à de cruelles désillusions.

L’uniformité de la tactique a pour nous une importance capitale. Parmi les questions de tactique, celle de la participation ou non aux élections bourgeoises a le premier rang, car elle marque la nette séparation entre les partisans de la social-démocratie et les partisans de la dictature du prolétariat : c’est sur ces deux conceptions profondément antithétiques que les socialistes doivent se polariser; toute transaction entre elles est équivoque et engendre la confusion. La connivence ultérieure de ces deux groupes dans le même parti est une cause de faiblesse pour l’un et l’autre, mais elle est surtout nocive pour la tendance communiste qui, étant apparue la dernière, doit s’isoler et avoir sa physionomie propre, si elle veut se faire sa place.

Que tous les camarades de notre tendance étudient bien ce moment délicat de sa vie et de son développement, qu’ils pèsent bien les dangers et, s’il y en a, les avantages de la participation aux élections pour pouvoir trancher sérieusement la question.

Au-dessus des sentiments et des habitudes, il y a les grands devoirs de l’heure, qui n’autorise ni faiblesses, ni tergiversations, ni accommodements, mais exige des résolutions fermes, franches, rectilignes, exclusivement inspirées par les intérêts suprêmes de la cause prolétarienne.


Source : « Programme Communiste », numero 58, avril 1973. Paru dans : « Il Soviet », 3e année, № 4, 1er février 1920

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